Merci ! Merci ! Ce n’est pas compliqué de dire merci, non !
C’est la base de dire merci, la base de la politesse.
C’est en tout cas ce que se dit le père de famille qui vient de servir ses enfants à table et qui les voit se plonger immédiatement dans leurs assiettes sans entendre le moindre merci sortir de leur bouche.
C’est en tout cas ce que se dit l’épouse qui a eu une attention pour son mari et lui, la reçoit comme un dû, sans le moindre merci.
C’est ce que se dit la catéchiste qui se donne sans compter depuis des années et que son curé calcule à peine.
C’est ce que se dit Jésus quand il ne voit revenir qu’un seul des 10 lépreux qu’Il vient de guérir.
Juste « merci », c’est la base de la politesse.
Bien sûr que c’est la base de la politesse mais vous imaginez bien que Jésus n’est pas venu sur terre pour nous apprendre les bonnes manières. L’Évangile n’est pas un ouvrage de politesse ; l’Évangile, ce n’est pas le guide pour savoir se tenir en société de Nadine de Rothschild ; l’Évangile n’est pas un manuel pour enfant sage. L’Évangile n’est pas sage, il est brûlant et Jésus est venu pour nous sauver, car c’est ça qui est en jeu dans notre évangile aujourd’hui : le salut pas les bonnes manières.
Mais il se trouve que la porte du salut c’est ce merci du dixième lépreux ; ce qui fait basculer la vie du lépreux c’est cette action de grâce « Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. » Ce qui peut faire basculer notre vie, c’est la gratitude.
Et pour cela, il y a 5 étapes : 4 + 1.
Il y a 9 lépreux qui ont suivi les 4 premières étapes et 1 qui a fait un pas de plus. Suivons les dans l’évangile.
« Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région » : Jésus passe dans ce village et Jésus passe dans chacune de nos vies. Il les traverse sans que, bien souvent, nous y prêtions attention, trop absorbés par nos soucis, nos préoccupations, notre vie à 100 à l’heure, Netflix ou Instagram. Le nez scotché sur nos écrans, nous ne voyons même pas que Jésus passe, parce qu’il passe si discrètement, comme un voyageur, un voyageur que nous pourrions pourtant inviter à s’arrêter chez nous. La première étape, c’est Jésus qui passe : Seigneur, donne-moi d’être attentif au passage de Jésus dans ma vie.
« Dix lépreux vinrent à sa rencontre. » : comme attirés par Jésus, moi aussi une fois que j’ai reconnu Jésus, je dois prendre la décision de me lever, de quitter ma préoccupation pour venir à sa rencontre. Je dois sortir de mon canapé, sortir de mon confort, sortir de mes soucis, sortir de ce qui me retient. La deuxième étape, c’est celle de la rencontre : Seigneur, donne-moi de me lever.
« Ils crièrent, « Jésus ! » » : c’est quoi ce cri qui sort du fond de leur gorge, du fond de leurs tripes, du fond de leur cœur ? Ce cri, c’est la prière, l’humble prière « prends pitié de nous ». Ils se tenaient à distance nous dit l’évangile, leur prière les rapproche de Jésus. En effet, la prière, c’est ce qui nous rapproche de Jésus. La première des prières, la prière de demande -celle qui est toujours intéressée, celle dont parfois on a un peu honte parce qu’on se dit qu’on ne se tourne vers Jésus que quand on a besoin de lui, mais on a raison de demander des choses à Jésus, de crier vers lui comme ces 10 lépreux – elle est bonne notre prière de demande. Criez vers Dieu, demandez-lui ce qui habite votre cœur, même des miracles. C’est la troisième étape, la prière : Seigneur, donne-moi l’audace et la confiance pour crier vers toi.
« Ils furent purifiés » : et le miracle se produit et c’est la quatrième étape : ils sont guéris. Et voilà c’est fini, c’est bon, on a eu ce qu’on voulait, maintenant on peut retourner à notre vie d’avant. C’est fini pour 9 d’entre eux, 9 qui ne voient en Jésus qu’un guérisseur des corps.
Mais vous croyez que Jésus est venu dans le monde juste pour nous guérir ? Vous croyez que Jésus est venu dans nos vies simplement pour répondre à nos prières ? Vous croyez que Jésus ne prend soin que de nos corps ?
Il le fait bien sûr, il le fait comme un signe, comme un encouragement, un encouragement à ne pas retourner à notre vie d’avant, un encouragement à faire un pas de plus.
Car Jésus veut beaucoup plus que guérir nos corps, il a un grand désir pour nous, il veut éveiller un immense désir dans nos cœurs. Jésus n’est pas qu’un guérisseur, il est notre sauveur. Jésus veut guérir nos âmes.
Il leur restait une seule étape pour être sauvés aux 9 lépreux. Ils avaient franchi les 4 premières étapes, il leur restait un pas à faire, juste un pas, un mot, un petit mot et ils l’ont négligé.
Cette étape, seul le 10ème lépreux la franchit : « Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce ». La cinquième étape, c’est le merci. La cinquième étape, c’est celle de la gratitude, celle qui apporte le salut : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
Ce qui ouvre notre cœur au salut, ce qui permet à Dieu de nous sauver, c’est la gratitude
Ce qui me permet de n’être pas spectateur de ma vie en regardant Jésus passer mais de le suivre, c’est la gratitude
Ce qui me permet de sortir d’une relation comptable avec Jésus, en lui disant « écoute Jésus, si tu fais ce que je te demande, je te promets, je te suivrai » et renverser la proposition en ne demandant pas à Dieu de faire ma petite volonté mais en le laissant élargir mon cœur pour faire sa volonté, c’est la gratitude.
Ce qui me permet de réorienter ma vie en la tournant vers Jésus, plutôt que de retourner à ma vie d’avant, c’est la gratitude.
Ce qui me permet de n’être pas seulement guéri mais d’être sauvé, parce que dans cet évangile il y a comme deux guérisons, celle des 9 premiers lépreux c’est celle du corps et celle que produit la gratitude, c’est celle de l’âme. Parce que Jésus veut infiniment plus que nous guérir, il veut nous sauver.
Il y a, à Lourdes, une statue, don d’une miraculée écossaise aveugle qui a retrouvé la vue lors d’un pèlerinage et, aux pieds de la statue, il y a une plaque où elle a laissé son témoignage : « c’est un miracle très grand de retrouver la vue, c’est un miracle plus grand encore de retrouver la foi. »
Abbé Simon d’Artigue
oct. 2022