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Sème ! – homélie du 11ème dimanche TO 2024

Sème ! – homélie du 11ème dimanche TO 2024

 

Depuis que la mairie a refait la cour sainte Anne je suis pris d’une furieuse envie de jardiner et l’autre jour je me baladais, chez botanica, oui c’est une pépinière à la sortie de Toulouse, je voulais trouver quelques arbustes  à planter dans la butte, c’est la saison qui veut ça, du coup je me tourne vers un vendeur pour lui demander conseil, vous savez aujourd’hui les vendeurs pour faire plus cool ils ont leur noms sur le tablier donc je me tourne vers Marc,  « Bonjour Marc, voila je voudrais semer dans mon jardin », « oui et qu’est ce que vous aimeriez semer ? » « Ben, je sais une plante vivace, un truc robuste, qui demande pas trop de travail et qui porte pas mal de fruit », « voyons, il se gratte la tête, il va voir dans ses semis et il revient en me disant, je crois que j’ai exactement ce qu’il vous faut : du royaume de Dieu » « du royaume de Dieu, je me demandais s’il n’était pas en train de se foutre de moi – mais non, c’est une parabole » oui du royaume de Dieu, vous allez voir :  » nuit et jour, que vous dormiez ou que vous vous leviez, la semence germe et grandit, vous ne savez comment  » ?

Ça, c’est bon non ? Comme plante ; je veux dire quand ça fait un mois que les lycéens passent leurs nuits blanches à réviser (enfin, un mois, peut-être une semaine.) ;  Quand on s’est défoncé une année entière, quand on a sué sang et larme pour un résultat, on aimerait un peu d’encouragement de la part du bon Dieu et au lieu de ça, Marc se la joue botaniste et botaniste un peu irresponsable, ben oui là saint Marc nous dit que finalement tu plantes et ensuite quoi que tu fasses ça marche, ça pousse le royaume de Dieu, pas besoin d’efforts, on a même l’impression que ça pousse comme du chiendent, comme ces plantes invasives dont on n’arrive pas à se débarrasser. Mais est ce que cette irresponsabilité ne serait pas en contradiction avec un autre conseil des botanistes Matthieu et Luc qui parlant de la même plante nous disent « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice » ça veut dire : les gars, il va falloir vous défoncer, il faudrait qu’il se mette d’accord les botanistes dans le magasin.

En fait, je crois que cette parabole, et tout le passage que nous avons entendu, ne plaide pas pour l’irresponsabilité, loin de là même, mais qu’elle est une invitation à planter le Royaume de Dieu dans la confiance. En insistant en effet sur les vertus naturelles de la plante  » Royaume de Dieu « , sur sa capacité à grandir d’elle-même sans que tu sois en permanence à lui tâter le pouls à voir si elle pousse bien si elle pousse droit, si elle est en bonne santé, s’il n’y a pas quelques parasites qui empêcheraient sa croissance, Jésus souligne l’immense responsabilité de celui qui a la charge de planter une plante aussi vivace : or, cette charge revient dans notre texte à l’homme, c’est-à-dire à nous. Mais en soulignant en outre que cette plante ne demande aucun entretien, il invite à la planter largement, dans la ligne précisément du  » Cherchez d’abord le Royaume de Dieu « . Plantez sans compter, avec confiance, car c’est Dieu qui donne la croissance, c’est ça l’invitation qui nous est faite. Plante ça, c’est ton boulot à toi, par contre la croissance, c’est le boulot de Dieu. Plante pour rendre service aux autres ; Plante pour rendre service à Dieu

Car la fonction de l’arbre, nous dit Jésus, ce n’est pas de donner du fruit pour celui qui l’a planté, tu ne plantes pas pour toi, pour ton profit, tu plantes pour que des volées d’oiseaux s’abritent dans ses branches : le texte ne nous dit pas quels sont ces oiseaux, toi, tu ne sais pas pour qui tu sèmes, ne t’inquiète pas Dieu le sait.

Mais plante, plante, nous dit l’Évangile, plante sans te préoccuper d’un quelconque rendement, j’allais dire sans te poser de questions, sans trop te prendre la tête. Car si une fois semé le royaume grandit sans nous, malgré nous ça devrait nous prémunir contre tout découragement, et même si les fruits attendus ne se laissent pas percevoir, ils sont sûrement là sans que l’homme ne les décèle, sans que tu t’en rendes compte. Combien de parents se plaignent de voir leurs enfants faire la grasse mat le dimanche matin au lieu d’aller à la messe, au lieu de goûter au trésor de la foi qu’ils ont tenté de leur transmettre ! Combien de prédicateurs semblent découragés par l’apparente indifférence de ceux qui les écoutent ! Combien de chrétiens se disent qu’ils sont les derniers mohicans et que depuis un an tous leurs efforts d’évangélisation ou de témoignage discret sur Jésus ne porte aucun fruits, toutes ces conversations que vous avez eu avec vos amis au sujets de la foi, de l’église, du christ ou de l’amour et qui n’ont rien changé dans leur vie, comment ca se fait qu’ils ne soient pas à la messe toutes ces personnes, ces personnes  à qui vous avez tenu un discours si convaincant, à qui vous avez témoignez avec tant de lumière de votre joie de croire … C’est à nous et à bien d’autres que Jésus rappelle que la question de la croissance et du fruit de la semence n’est pas de notre ressort, que nous avons pour seule charge de planter. Planter et c’est tout, planter dans l’absolue certitude, comme le disait déjà le prophète Isaïe, que  » la parole de Dieu ne lui revient pas sans avoir porté du fruit « .

Il reste, frères et sœurs, une question, fondamentale : que planter ? C’est quoi au fond ce royaume ? Si tu parcours l’évangile, tu constateras sans doute qu’il représente une réalité un peu mouvante, voire un peu floue, parfois, il nous oriente vers Jésus lui-même, parfois, il nous conduit à sa parole, parfois, il nous mène vers l’Église… Le Royaume de Dieu est une réalité mystérieuse dont Jésus seul peut faire connaître la nature, nous l’aimerions tel que nous l’imaginons, mais alors ce ne seraient plus le royaume de Dieu, mais notre petite baronnie !  En fait cette indétermination n’est pas dissuasive au contraire, elle me  semble plutôt un nouvel encouragement : quoi que tu sèmes, tant que tu sèmes pour Dieu, c’est une graine du royaume que tu sèmes ; c’est peut-être pour ça que l’évangile d’aujourd’hui n’a pas cherché à trop préciser la nature du grain jeté par l’homme dans son champ :

Alors si le seigneur t’a donné le goût de servir les pauvres, sers et sème auprès des pauvres que tu rencontres.

S’il t’a donné le talent de parler de lui, parle de Lui à temps et à contretemps annonce et sème auprès de tes amis.

S’il t’a planté au milieu de tes collègues de travail, témoigne, travaille, soutiens et sème.

S’il t’a donné de savoir écouter celui qui se plaint, qui souffre ou qui pleure, écoute, console et sème dans le silence,

S’il t’a donné de faire du catéchisme à 12 enfants ou d’accompagner des catéchumènes dans la foi, transmets, anime et sème en les aimant chacun.

S’il t’a donné un cœur large pour accueillir à ta table les paroissiens esseulés le dimanche, accueille-les et sème.

S’il t’a donné des enfants à aimer, aime-les et sème.

S’il t’a donné de témoigner de l’amour conjugal et de préparer d’autres couples au mariage au baptême, témoigne et sème

S’il t’a donné de t’engager dans un syndicat ou dans le champ politique, défends et sème.

S’il t’a donné le goût de l’adorer ou de le louer, loue-le et sème par ton chant.

S’il t’a donné le goût de l’étude et de la recherche, étudie et sème

S’il t’a donné le goût du contact viril, plaque ton adversaire sur le pré, ensuite prend une bière avec lui et sème

S’il t’a donné de savoir jouer de la flûte, de la guitare ou du piano, joue pour sa gloire et sème

S’il t’a donné un sourire bienfaisant et rayonnant, souris largement et sème

Sème et ne cherche pas à mesurer l’efficacité de ton témoignage.

Ne cherche pas à calculer les fruits, ni même à les envisager.

Sème gratuitement, sème largement, sème généreusement, sème :

Fais ce qui te revient et ensuite laisse Dieu faire.

Car “que vous dormiez ou que vous vous leviez, la semence germe et grandit, vous ne savez comment”

 

Abbé Simon d’Artigue