« Recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. » c’est donc qu’il y a un royaume préparé, mais il est loin, là haut, là bas, comme une récompense pour ceux qui se sont bien comportés, les brebis.
Oui il y a un royaume où le Christ règne, un royaume de paix, mais c’est pour plus tard, pour là haut.
Alors on est tranquille si le royaume c’est pour plus tard, nous on n’a qu’à attendre en essayant de ne pas trop désespérer devant l’impuissance manifeste du Tout Puissant et vivre notre vie en attendant la fin. Mortel ! Une vie à attendre que le royaume vienne.
Oui parce que nous passons nos messes à répéter avec conviction certainement mais avec un soupçon d’impuissance aussi « que ton règne vienne » et est ce qu’il vient pour autant son règne ?
Est ce qu’il vient dans notre monde son règne d’amour et de paix ? Non, c’est un échec patent, il ne vient pas, regardez notre monde, regardez nos frères chrétiens d’orient, regardez ces hommes et ces femmes chassés de leur pays par la misère, regardez nos rues, regardez la violence qui s’abat sur les femmes, sur les enfants dans le sein de leurs mères, regardez la violence dont bruissent nos réseaux sociaux, y a t il autour de nous un endroit où Dieu semble régner ? Où sa paix régnerait ? Faut-il crier plus fort ?
«Que ton règne vienne ? » Prier plus fort ?
Vous me direz que le monde n’est pas fait que de catholiques, que nous sommes trop peu nombreux pour l’influencer, pour instaurer le règne de Dieu, je vous le concède.
Mais regardons alors nos paroisses, où là, pour le coup nous pouvons nous dire qu’il y a plus de disciples de Jésus, de fait nous sommes entre chrétiens, ou là pour le coup nous récitons ensemble chaque dimanche: « Que ton règne vienne » est ce que le Christ règne parmi nous mes frères ? Est ce que son évangile est notre loi mes frères? Ou bien est ce que nos communautés ressemblent à s’y méprendre à notre monde; n’y a t-il pas parmi nous le même égoïsme froid, la même indifférence à notre voisin de banc, n’y a t’il pas parmi nous le même mépris pour celui qui est différent, le même oubli du petit et du pauvre, est il accueilli parmi nous comme le premier, a t il la première place parmi nous ? Règne t il parmi nous la bienveillance, ou bien nous laissons nous aller au même jugement impitoyable, aux mêmes paroles qui tuent vis à vis de celui qui ne nous ressemble pas, qui ne pense pas comme moi, qui ne prie pas comme moi, qui ne communie pas comme moi, qui s’agenouille ou bien qui au contraire reste debout ? Ne règne-t-il pas parmi nous le même gout du pouvoir, la même, est ce que notre communauté paroissiale ressemble a son royaume ? Et pourtant mes frères nous le disons avec foi ce notre père ? Comment se fait-il alors que son règne ne vienne pas ?
Parce que me direz-vous « là où il y a de l’homme il y a de l’hommerie » et que nos communautés sont faites d’hommes, de pêcheurs, bien entendu !
Regardons aussi nos cœurs, là je veux dire il n’y a personne d’autre que moi, il n’y a pas quelqu’un sur qui je pourrais rejeter la responsabilité de ne pas pouvoir me laisser convertir; et chacun de nous dans le silence de nos cœurs, une fois que la porte de notre chambre est refermée nous le disons ce notre père, nous le disons pour nous « que ton règne vienne » Seigneur que ton règne vienne sur moi, sur mon cœur, sur ma vie et, est ce qu’il vient, son règne? Regardons nos vies à la lumière de son évangile: nourrissons nous l’affamé, accueillons nous l’étranger, habillons nous le miséreux, visitons nous le malade ou le prisonnier ? Car ce sont là les critères du royaume et nous baissons la tête ou bien nous renvoyons le royaume à plus loin, à plus tard, à plus haut « lors du retour du Christ, Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père » et nous nous contentons d’une vie tiédasse, d’une communauté paroissiale bien peu évangélique et d’un monde violent, soit en désespérant, soit en attendant la fin.
Il viendra ce royaume mais quand « tout sera achevé » nous dit saint Paul
« Quand tout sera achevé. » Où est-ce que nous l’entendons cette parole ? Où a-t-elle résonné cette parole, non pas « tout sera achevé », mais « tout est achevé » pas un futur hypothétique mais un présent réel ? « Tout est achevé » cette parole qu’un seul peut dire en vérité. Aucun d’entre nous ne peut dire « tout est achevé », tous nos efforts pour bâtir le royaume sont vains si nous ne nous tenons pas aux pieds de celui qui murmure « tout est achevé », si nous ne nous tenons pas au pied de la croix et entendons Jésus murmurer « « tout est achevé » et saint Jean ajoute « Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. » car à l’instant même où il dit « tout est achevé » Jésus remet l’Esprit et nous qui nous tenons au pied de la croix, près du Seigneur nous recevons l’Esprit et nous sommes transformés et son Eglise est transformée, et le monde est transformé et le royaume, son royaume, Le royaume s’étend. Car c’est bien dans cet ordre là et de cette manière là que le Christ roi va régner, non pas en commençant par le monde comme ça, en descendant sur lui et en le recouvrant de sa toute puissance, en recouvrant l’Eglise, notre communauté, de manière un peu magique, non il commence à l’inverse, il commence par le bas et c’est la logique de sa royauté et c’est la logique de son incarnation, il commence par régner sur notre cœur, ou plutôt il frappe à la porte de notre cœur pour y régner, « veux tu que je règne sur ta vie » et pour Lui régner c’est servir et pour nous le laisser régner c’est Le servir et Le servir c’est servir nos frères, affamés, assoiffés, étrangers, malades, prisonniers. C’est ainsi qu’il nous convertit, qu’il convertit notre cœur et c’est ainsi qu’il convertit notre communauté en une communauté évangélique, évangélisée. Le premier qui doit changer ici ce n’est pas mon frère, c’est moi, moi votre curé et chacun des prêtres qui sommes ici pour vous servir, si je ne me convertis pas aucune chance que notre communauté ne change, mais si je me convertis, si je laisse la puissance de l’Esprit que le Seigneur souffle sur moi du haut de la croix, si je laisse la puissance de son Esprit agir en moi alors bien sur que le Christ va régner sur moi et me transformer et transformer notre communauté pour vivre et témoigner quelque chose du royaume qui advient, quelque chose du royaume déjà là, présent entre nous parce que le Christ règne, parce qu’il règne sur nos relations, sur nos conversations, sur nos réunions, sur nos projets, sur nos faiblesses, sur nos liturgies, sur tout ce que nous lui présentons et nous présentons tout… et c’est alors parce qu’il aura fait de mon cœur son Royaume, parce qu’il aura fait de notre communauté son Royaume qu’il pourra par nous faire de ce monde, ce monde , Toulouse où il nous a planté, son Royaume, car partout où il y a un chrétien il doit y avoir quelque chose de changé, quelque chose de changé en mieux, quelque chose de changé en plus évangélique c’est comme cela que le Royaume avance, cœur après cœur et le Christ ne lâche rien, il n’abandonne rien « La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. »
Seigneur que ton règne vienne sur notre monde,
Seigneur que ton règne vienne sur ton Eglise,
Seigneur que ton règne vienne sur notre communauté,
Seigneur que ton règne vienne sur mon cœur,
Seigneur que ton règne vienne.
Abbé Simon d’Artigue