« Déconcertante », « surprenante », « biscornue », « énigmatique », « pas ordinaire »… Qualificatifs parmi bien d’autres à propos de la cathédrale venant des visiteurs.
Effet déconcertant produit par cet édifice composé d’un chœur inachevé mal relié à une nef tronquée…de styles distincts…et désaxés l’un par rapport à l’autre !
« Peu de monuments présentent une succession aussi dissemblable de leurs éléments de construction par la date et par le style que la cathédrale toulousaine. Aucune autre peut-être n’inquiète autant le visiteur même expérimenté qui la parcourt par les problèmes se dressant à chacun de ses pas»
Jules de Lahondes
CHRONOLOGIE DE L’EDIFICATION DU MONUMENT:
Voir antérieurement Q. Cazes
721 –Une église sur l’emplacement actuel de la cathédrale est détruite lors de l’invasion des Sarrazins, en même temps que le premier monastère de St Sernin.
843 – Une charte de Charles le Chauve confirme l’église Saint Etienne et l’église Saint Jacques dans leurs possessions et leurs immunités. Elle interdisait à tout juge ou officier public d’entrer dans ces églises ou dans leurs propriétés pour y instruire des causes, exiger des redevances ou des logements, en enlever des hommes libres ou des serfs. Confirmation ensuite par Lous VII, fin de l’année 1154, des privilèges accordés par Charles le Chauve. En présence du Comte Raymond V, qui venait d’épouser la sœur du roi, Constance. (Catel, Histoire… p.850- Charte aux Archives départementales de la Haute Garonne- Mémoires de la société archéologique du Midi de la France, Tome 9, page 231, par G.CAUSSE). Voir aussi, DEIDER, Mémoires de l’Histoire du Languedoc, page 890)
1071-1105 – A l’initiative de l’évêque Izarn et avec un financement du Comte Guillaume commence la construction d’une nouvelle église, dont il reste une partie, la nef Raymondine (voûtement au XIII ième financé par le Comte Raymond VI -1194/1222). Ses armes(Croix aux 12 perles) sont sculptées sur la clef de voûte de la première travée.
Plusieurs hypothèses existent concernant l’édification de ce monument :
-Soit sa construction a eu lieu sur l’emplacement d’une église précédente, qui aurait été construite après celle détruite en 721.
-Soit, elle a été édifiée contre cet édifice, auquel était adossé un cloître, et dans le même axe ; église et cloître qui existaient donc bien avant la cathédrale romane d’Izarn. La charte de fondation (1078) de la nouvelle cathédrale fait allusion à la présence de l’ancienne. D’autre part, un chapiteau trouvé lors d’un sondage en 1983 dans le chœur de la cathédrale gothique, pourrait rappeler l’existence d’un édifice paléochrétien que l’on situerait donc au nord de la nef Raymondine.( chapiteau de tradition corinthienne avec 4 feuilles d’acanthe)
Izarn choisit il un emplacement libre ou reconstruisit- il un édifice antérieur ?
Voir à ce sujet, E.MAGNOU, « L’introduction de la réforme grégorienne à Toulouse, XI ième siècle », Toulouse 1958.
Cet édifice aurait alors été détruit lors de la construction du chœur gothique, pour occuper son emplacement, mais le cloître aurait été conservé.
Ce qui est certain, c’est que le mur porteur de la galerie nord du cloître, a été incorporé dans la construction lors de l’adossement du chœur gothique. Voir plus loin.
C’est là peut être que se situe l’emplacement de la cathédrale de Saint Exupère, construite vers l’an 400, en même temps que les premiers sanctuaires édifiés sur les emplacements de Saint Sernin et la Daurade (Voir E.Lambert,1947)
1211 : Raymond VI fait construire la voûte de la nef, aucune sculpture si ce n’est les clefs de voûte et le petit chapiteau de la fenêtre géminée avec le bandeau circulaire chargé d’animaux fantastiques qui entoure la rose à redents de cette baie.
1230 : Raymond VII, termine la façade et ouvre la grande rose.
1270 : Bertrand de l’Isle Jourdain, accède au trône épiscopal. « Prévôt du chapitre depuis 15 ans (1 avril 1255), lorsqu’il fut élu évêque. Ordonné prêtre aussitôt, le 20 décembre, il fut sacré le lendemain, fête de la St Thomas et célébra sa première messe le jour de Noël 1270 »( Jules de Lahondes, d’après Gallia Christiana, XIII,col.30). L’art gothique se déploie dans le Nord de la France et l’évêque a vu à Paris la cathédrale. Le diocèse est riche et l’évêque est puissant. Il veut une cathédrale à la hauteur de cette puissance. « Des discussions ont lieu sur l’espace ou devait se construire la nouvelle cathédrale » (J.de L, op cit, d’après Gallia Christiana, VII, col.78 ; XIII, col.30). La construction d’une deuxième nef débute qui va venir amener à la destruction d’une partie de l’ancienne nef ; elle sera interrompue à la mort de l’évêque (31 janvier 1286 au château de Balma). Quinze chapelles étaient construites, le cœur s’élevait jusqu’au triforium.
1449, Pierre du Moulin, construit le portail dans la nef Raymondine. Ouverture du portail en désaccord avec la rosace (1080). Portail décalé pour conserver la chapelle des Fonts baptismaux à gauche en entrant dans la nef. Il remplace deux des trois portes antérieures.
1451, Bertrand de Rousergue élève le triforium, installe les stalles, un orgue, un jubé. Bertrand de Rousergues clôt l’espace entre le chœur et la nef, (ses armes sont sculptées sur la clef de voûte de la chapelle de l’Agonie).Abandon du projet de prolongement du chœur. Désormais, deux églises, celle du châpitre (chœur donnant sur le cloître) et celle du peuple (Raymondine) Il n’y a pas de voûte, mais toiture sur charpente.
1530 Jean d’Orléans fait édifier le pilier prévu pour être le premier des quatre piliers du transept, la chapelle collatérale sud, la sacristie, le clocher tour/ clocher forteresse. Ce clocher surplombe les fortifications de la ville et en est tout proche (55m)
1609 (le jeudi 9 décembre) L’incendie détruit en moins de 10 heures, tout l’édifice du chœur et réduit en cendres la charpente, les stalles, le mobilier de chœur, l’autel du chœur, le rétable « duquel et les images entassées en icelui étaient de fin argent doré et enrichi de pierreries… ». Livres et manuscrits disparaissent ainsi que le tombeau en bronze de Bertrand de l’Isle ; restent les murs (Jules de Lahondes, l’Eglise St Etienne cathédrale de Toulouse- 1890 – Côte 473.580-1001(BMT)).
La voûte est alors réalisée ( Levesville) en trois mois de juin à octobre 1611. Elle culmine à 28 m de hauteur au lieu des 44m prévus par Bertrand de l’Isle. On a une voute « écrasée » qui ne coïncide pas avec les arcs inférieurs et les fenêtres entre le triforium et la voûte paraissent elles aussi écrasées, et ne remplissent pas tout l’espace entre les piliers.
De nouvelles stalles, un buffet d’orgue sont commandées par le Cardinal de Joyeuse. (Les stalles et le buffet sont réalisées par les sculpteurs Antoine Morissot, Louis Berry et Antoine Lentié sur des dessins de Pierre Monge, qui en est le concepteur)
La stalle archiépiscopale (dais cintré finissant en pyramide, repose sur deux cariatides, une sirène et un centaure dont la boucle du ceinturon porte la date de 1611 – Parecloses s’appuient sur des chimères.( renvoi au doc de 07/2015 –« Cathédrale de Toulouse stalles du chœur(XVIIe siècle) »)
Un jubé est construit en pierres de taille et sépare complètement le chœur de la nef. Il sera démoli en 1866.
1660 : l’architecte Pierre Mercier construit le rétable de l’autel du chœur.
1667 : Gervais Drouet réalise la sculpture dans l’espace central du rétable qui était libre (lapidation d’Etienne, protomartyr). Au-dessous du groupe de la lapidation, à droite,une inscription : « Gervais Drouet, inventeur de cet autel, n’a fait de ses mains que la lapidation de St Etienne, 1670 ». Il réalise aussi la « Piéta » qui est installée à droite de l’entrée de la nef Raymondine (près de l’entrée de la « Chapelle de la Pitié »)
1767 : Ortet forge et installe les grilles de clôture du chœur et les grilles et portes latérales.
1812 à 1817 – Destruction du cloître.
TAPISSERIES DE LA CATHEDRALE
Elles sont réparties en cinq groupes (classement DRAC)
Le premier groupe comprend quatre pièces (9,90 x 6,70), datant de 1532 à 1534. Les scènes retracent l’histoire de St Etienne. On voit sa naissance, son baptême (endommagée), son martyre, ainsi que le baptême du Christ ou Etienne aurait tenu le vêtement du sauveur (endommagée). Chaque pièce est encadrée de pilastres et de cartouches (contenant un commentaire de la scène représentée), la date de réalisation. (Infos données par Mme …, conservateur DRAC au cours de l’installation des tapisseries le 17 mars 2016)
Le deuxième groupe est constitué de 17 tapisseries, organisées en deux suites. Mémoires de la société archéologique du Midi de la France ; tome IX, pages 389 à 411.(Mémoire de Mr l’Abbé M.B. CARRIERE)
Première suite consacrée à la vie de St Etienne, comprend 9 pièces ; l’autre comprend 8 pièces et est consacrée aux saints Evêques de Toulouse (Saturnin, Hilaire, Sylve, Exupère, Germier, Louis d’Anjou, Martial, Bertrand de Comminges)
Leur réalisation est due à Jean DAFFIS, évêque de Lombez, commandées et financées pour payer son droit de chapelle, lors de son élection en tant que prévôt du chapitre métropolitain de Toulouse. Il engagea le 17 juin 1609, un tapissier habitant le diocèse de Lombez, Jean MAZET pour tisser les tentures. Elles étaient destinées à tapisser les dossiers et dessus des stalles construites par Bertrand de Rousergues (stalles détruites lors de l’incendie du 9 décembre 1609). Elles vinrent tapisser les stalles construites par Pierre MONGE.
Sur chacune des pièces, figurent les armes de Jean DAFFIS, «d’argent à la bande de gueules chargée de trois rosettes d’or ». Les armoiries sont soutenues par un diacre, une mitre et une crosse.
Les 9 tapisseries de la première suite, consacrées à la vie de St Etienne représentent l’élection au diaconat, les miracles, la comparution devant ses juges, la lapidation, l’ensevelissement, la translation du corps du martyr. Compléter, il en manque 3.(vues lors de l’ouverture des armoires de protection le 17 mars 2016 – accompagné par conservatrice DRAC)
Au bas de chaque tapisserie un phylactère/cartouche comporte un commentaire en latin des scènes représentées. (photos disque cath/03/16)
Quatre de ces tapisseries ont été présentées, installées dans les stalles du 19 au 31 mars 2016. Ce sont :
1/L’ordination (Election de St Etienne au diaconat) – 4,90x 2,00 –
Au centre du tableau, St Pierre nimbé, tenant les clefs dans la main gauche, imposant la main droite sur la tête de St Etienne, à genoux devant lui, les mains jointes. A gauche, derrière St Etienne, six diacres revêtus de la tunique et portant la tonsure monastique, sont à genoux. A droite les 11 apôtres nimbés. Celui qui occupe l’extrémité droite du tableau et qui est le plus apparent, mis en lumière, tient un livre fermé sous son bras gauche (St Paul ?). Un chien.
Le cartouche comprend l’inscription suivante :
SEPTENOS VELUT ANTE MICAT SOL AVREUS IGNES SIC STEPHANE E SEPTEM GLORIA PRIMA TUA EST.
(De même que le soleil d’or resplendit en premier des sept feux (astres) ainsi Etienne ta gloire est la première parmi les sept (diacres)
2/La lapidation – 4,55 x2,00-
La scène se déroule devant un paysage aux nombreux monuments. A gauche, dans le lointain au-dessus des nuages, entouré de chérubins, Dieu apparait en train de bénir.
Inscription dans le cartouche :
O LAETAE SILICES O FELIX SAXEUS IMBER QVAM FIET TALI GRANDINE TERRA FERAX
(Ô joyeuses pierres ô heureuse pluie de pierres combien la terre deviendra fertile par une telle grêle)
3/L’ensevelissement– 4,50×2 ,00-
Le corps est recueilli avec soin et va être transporté sur un char attelé.
Le cartouche comprend l’inscription suivante (apparemment incomplète ; partie droite remplacée –hypothèse-conservatrice sait pas)
SAXA SIMUL CORPUSQUE EFFER VESPILLO
(Le préposé à l’ensevelissement emporte en même temps les pierres et le corps)
4/La translation des reliques -5,00x 2, 00-
La scène se déroule devant un paysage marin et champêtre. Le cercueil est porté par trois évêques et un quatrième personnage caché. Les évêques portent la dalmatique.
Jean prit avec lui les évêques, Eustone de Sébaste et Eleuctère de Jericho et ils se rendirent sur les lieux. Lorsqu’ils ouvrirent le cercueil, la terre trembla et un parfum suave se répandit, plusieurs miracles se produisirent. Après avoir vénéré les saintes reliques, on referma le cercueil et on le transporta à l’église de Sion. (Noté, sans ref.)
Inscription dans le cartouche :
SALVETE O SACRI CINERES ET DEBITA COELO OSSA SIT HIC NOSTRI PIGNUS AMORIS HONOR
(Salut ô cendres sacrées et ossements destinés au ciel, que l’honneur que nous te rendons soit le gage de notre amour)