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Tais toi! – homélie 4 dimanche temps ordinaire 2024

Tais toi! – homélie 4 dimanche temps ordinaire 2024

C’est quand la dernière fois que vous vous êtes planté au milieu de la place Saint-Etienne, une bible à la main criant à qui voudrait l’entendre « Je sais que Jésus est le Saint, le Saint de Dieu ! »…?

Non l’évangélisation de rue c’est pas trop votre truc, oui, je sais…. C’est dommage… En même temps la dernière fois que Jésus a attrapé quelqu’un en train de brailler sur une place « Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. »  Il l’a fait taire :

« Tais-toi ! »

Du coup, ça devrait vous rassurer un peu, si jésus lui-même est contre l’évangélisation de rue, ou en tout cas vous enlever un peu de culpabilité de ne pas vous y prêter si souvent.

Pourquoi est ce que Jésus fait taire ce démon qui pourtant fait une des plus belles professions de foi de tout l’évangile ? Ce démon qui ferait un excellent prédicateur, capable avec force de dire la foi au milieu de l’indifférence générale ? Ce démon qui dit la vérité sur Jésus « tu es le saint de Dieu » là où Pierre mentira éhontément à la servante qui lui demandait: « connais-tu cet homme ? Non, je ne le connais pas. » il ne mentira pas une fois, mais trois fois, et vous savez qui Jésus choisira comme apôtre ? Le démon qui dit la vérité ou Pierre, le triple menteur ? Il choisira le menteur, le traître, Pierre pour en faire le chef de l’Église, vous m’étonnez qu’on soit parti sur de mauvaises bases.

Il choisira Pierre plutôt que le démon qui proclame la vérité avec force et audace au milieu de la foule frappée de stupeur. Le démon qui semble pourtant avoir toutes les qualités pour faire un excellent évangélisateur !

« Tais-toi ! »

Le démon qui a toutes les qualités. Oui, parce que le démon est truffé de qualités, il est beau, il est fort, il est convaincant, je dirai même séduisant, il est habile voire même rusé, il est intelligent, et même retors. Il a toutes les qualités sauf une, oh rien, un détail, il n’aime pas. Le démon n’aime pas, il n’aime personne, il vit dans la haine, la haine de Dieu bien sûr « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? » La haine de l’autre évidemment, notre « homme était tourmenté par un esprit impur » et la haine de soi, le démon ne s’aime pas lui-même. Il ne sait que haïr et répandre la haine, la haine et son cortège de fruits pourris : la division, le mensonge, le tourment, la colère, l’orgueil, la mort…

« Tais-toi ! »

Jésus le fait taire parce qu’il n’aime pas. Or, pour annoncer l’évangile, il ne suffit pas de dire la vérité « tu es le saint de Dieu » (ce que le démon fait très bien) il faut d’abord aimer Jésus, ce que le démon est incapable de faire. Alors Jésus le fait taire :

« Tais-toi ! »

Car tu es un menteur !

Car il n’y a pas de vérité sans amour, tout comme il n’y a pas d’amour sans vérité. Car la vérité sans l’amour, c’est trop dur et l’amour sans la vérité, c’est trop mou et nous selon les démons de notre cœur, selon nos tempéraments ou nos faiblesses nous oscillons.

Il y en a qui sont plus du côté de la vérité, mais ils ne la disent pas de la bonne manière (ça, c’est un péché plutôt masculin) : ils savent dire la vérité, ils savent la dire à tous ceux qui passent à leur portée, avec violence et colère, froid et inflexible comme la justice, « tu vas voir celui-là, je vais lui dire ses quatre vérités ! » Vous savez quand on a besoin de dire quatre vérités plutôt qu’une seule, c’est que ce n’est pas la vérité. Et puis quels sont les fruits de cette vérité froide, de cette vérité assénée : le désespoir, l’accablement, la division, la dureté… Ce ne sont pas des fruits de l’Esprit, ils viennent plutôt du démon ces fruits-là.

Il y en a d’autres qui sont du côté de la vérité, mais qui ne la disent pas à la bonne personne. (Ça, c’est un péché plutôt féminin. Oui, je sais, il ne faut pas genrer le péché – d’ailleurs, il ne faut rien genrer, mais que voulez-vous 20 ans au confessionnal nous donne une certaine connaissance de notre commune humanité.) Tu as vu Praxède  comme elle était habillée! Et Hildegarde, il parait qu’elle… C’est peut-être la vérité, mais la vérité quand elle n’est pas dite à Praxède ou à Hildegarde (les seules qui devaient l’entendre pour se convertir) c’est la vérité dite sans amour et la vérité sans amour ce n’est pas la vérité et les fruits de cette vérité sans amour sont la complicité, la division, la comparaison, la jalousie, le jugement… Autant de fruits pourris, qui pourrissent nos cœurs et toutes nos relations.

Alors « Tais-toi ! »

Il y en a qui sont plus du côté de l’amour, de l’amour sans la vérité, de l’amour tout mou. Ceux là ils terminent toujours leur phrase par « mais non, c’est rien, c’est pas grave » pour eux il n’y a pas de bien et de mal, pour eux il n’y a que l’amour, enfin ce qu’ils croient être l’amour. Mais nous le savons l’amour sans la vérité ce n’est pas de l’amour, au mieux une excuse, un alibi, bien souvent un mensonge, peut être même le pire des mensonges, car c’est celui qui se drape sous les atours de l’amour, de ce qu’il y a de plus beau, de plus grand.

Car l’amour vrai est exigeant et chaque parent le sait, chaque éducateur le sait, au fond chacun de nous en a fait l’expérience et nous pouvons faire notre ces paroles de saint Jean bosco : « Tes exigences sans amour me découragent ; ton amour sans exigence me diminue ; ton amour exigeant me grandit. »

Alors si ton amour est sans vérité

« Tais-toi ! »

Si Jésus fait taire le démon, c’est parce qu’il dit la vérité sans amour. Le démon n’aime pas Jésus, alors Jésus ne l’autorise pas à l’annoncer, car pour annoncer le Christ, il faut l’aimer, c’est la seule chose qu’il vérifie chez Pierre, Pierre le menteur, Pierre le traître, souvenez-vous Jésus ressuscité : « Pierre m’aimes-tu ? »  Et Pierre de répondre: « tu sais tout, tu sais bien que je t’aime » alors va Pierre, tu n’as besoin de rien d’autre pour m’annoncer que de m’aimer et me connaître, m’aimer pour me connaître, me connaître pour mieux m’aimer. Pour annoncer Jésus il faut le connaître bien sur mais avant tout il faut l’aimer, il faut l’aimer Lui et aimer ceux à qui on l’annonce. Nous ne pouvons pas l’annoncer bardé de notre vérité, de nos certitudes, car ce n’est pas notre vérité que nous annonçons, mais lui qui est La Vérité, lui qui est l’Amour.

C’est lui qui rend ferme mon cœur que l’amour sans exigence a ramollit, c’est lui qui assouplit mon coeur que la vérité sans délicatesse a durcit.

Seigneur, tu m’as donné un cœur pour t’aimer,

Des mains pour te servir,

Des lèvres pour t’annoncer.

Si tu t’en sers pour mentir tais toi !

Si tu t’en sers pour haïr tais toi !

Si tu t’en sers pour juger tais toi !

Si tu t’en sers pour critiquer tais toi !

Mais tu t’en sers pour aimer, parle !

Si tu t’en sers pour proclamer la vérité, parle !

Si tu t’en sers pour bénir, parle !

Si tu t’en sers pour annoncer l’Evangile, parle !

Parle pour proclamer que Jésus est le saint de Dieu !

Parle et dis qu’il est venu non pas pour nous perdre, mais pour nous sauver.

Parle !

 

Abbé Simon d’Artigue