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Dans le monde et pas ailleurs! Homélie 7ème dimanche du temps pascal 2018

Ouh l’échappé ! Ah le lâche, il s’est envolé, il nous a laissé seul, il est parti! il donne deux, trois conseils et puis hop il s’en va, « bon écoutez les gars je retourne vers mon Père » (ça c’était jeudi : l’ascension – pour ceux qui n’étaient pas là) Bon et maintenant qu’est ce qu’on fait ? ben oui, là, on est entre l’ascension et la pentecôte, c’est-à-dire que Jésus est parti et que l’Esprit Saint n’est pas encore arrivé, du coup les apôtres ils se sentent un peu seul, Pierre, Paul, Jacques et compagnie ils se retrouvent entre eux mais sans le patron pour leur dire ce qu’il faut faire. Et quand ils voient le bazar que c’est dans le monde (enfin pour eux le monde ça se résume à Jérusalem, oui à l’époque ils n’avaient pas CNN, I télé et internet pour savoir que ça partait en vrille en Corée du nord, qu’en Syrie ce n’était pas la fête pour tout le monde et que Machenaud et Pat Lambie ne seraient pas de la finale contre le Leinster) en bref ils sont au cénacle bien barricadés et ils se disent que c’est certainement ce qu’ils ont de mieux à faire, parce que ce n’est pas franchement le moment de mettre le nez dehors et de dire qu’on est des vieilles connaissances de Jésus, sauf à aimer le contact viril.

C’est vrai des apôtres au cénacle mais c’est un peu vrai de nous aussi, de temps en temps on se dit qu’on est bien entre nous et que le monde extérieur c’est un peu la jungle.

En fait devant le monde il y a trois attitudes :

Il y a celui qui voit le monde comme un danger dont il faut se protéger, du coup il se barricade dans son église bien close, hermétiquement fermée, pour être sur que rien n’y pénètre, une église de purs, les cathares (ici à toulouse on s’y connait en terme de cathares), les cathares des temps modernes : vous les gars, des bons catholiques. Ben oui si le monde est mauvais il faut s’en protéger, il faut lire de la bonne littérature, regarder la bonne télévision, écouter  les bonnes émissions, avoir les bons amis pour éviter toute contamination du monde extérieur.

Il y a aussi celui qui baisse les bras tout de suite et se dit «  Bof de toute manière c’est foutu, c’est le sens de l’histoire, alors autant en profiter », le chat est parti les souris dansent et tant pis si tout part en vrille, ce que je veux moi c’est profiter de l’instant présent, ce que je veux c’est me faire plaisir et après moi le déluge. Ou alors le même en version relativiste qui se dit : « mais non le monde n’est pas si mauvais que ça, il ne faut pas non plus en faire un fromage, le bien le mal c’est des concepts relatifs, ça passe. »

Il y a donc celui qui se retranche, celui qui s’échappe ; il y a celui qui baisse les bras et abandonne et il y a celui qui se relève les manches : vous.

Celui qui sait dans quel monde il vit et qui sait qu’il ne pourra pas en changer, il ne pourra pas en changer par contre il peut le changer, ce monde et pas un autre c’est à nous qu’il est confié exactement comme il a été confié a Adam à la création « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la », comme il a été confié aux apôtres « Allez dans le monde entier, Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » il nous est confié à nous aujourd’hui à nous et à personne d’autre à nous parce que nous sommes catholiques, disciples du Christ, et que nous avons entendu : « Je ne demande pas que tu les retires du monde…moi aussi, je les ai envoyés dans le monde » alors Dieu ne nous retirera pas du monde, ce monde que nous aimons parce que le Christ l’a aimé avant nous et que nous ne pouvons convertir que ce que  nous aimons.

Nous voulons rester dans ce monde, et pas nous défiler, pas nous retrancher, pas chercher d’excuse, du style : « ce serait trop dur, on n’est pas assez nombreux, on n’est pas assez formé, on n’est pas assez chaud, on est trop jeune ou trop vieux, pas assez experimenté… » que dalle ! Ce monde il est bien assez pour nous, il est tout ce que nous avons, et nous n’en voulons pas un autre.

Nous l’aimons car c’est celui où le Christ nous à planté, nous pouvons rêver d’un passé idéal et révolu, (d’autant plus idéal qu’il est révolu d’ailleurs et que nous nous le fabriquons) ou d’un avenir fantasmé, des lendemains qui chantent, d’un grand soir, d’un Reich de mille ans, nous pourrions rêver d’un autre monde (oui celle la je ne vous la chante pas), mais nous ne sommes pas des rêveurs, nous sommes des fils du Dieu fait homme, des disciples d’un charpentier, nous sommes des réalistes, nous sommes profondément incarnés, comme disait Bernanos : « nous prenons le temporel à bras le corps »

Dieu nous plante dans le monde mais nous n’y tiendrons notre rôle qu’à trois conditions que saint Jean énonce dans son évangile : être fidèle, être uni, être vrai.

La première : être fidèle  C’est « demeurer en Lui » : il faut nous remplir de Dieu, il faut être gorgés de lui, saturés, comme un sachet de thé que Dieu remplirait de son amour, un sachet vide il ne donnera jamais aucun gout, alors ne restons pas vide car nous ne servirions à rien. Remplissez-vous de son amour « car Dieu est amour et que l’amour vient de Dieu »; alors quand vous serez plongé dans le monde vous serez comme ce sachet de thé dans un bol d’eau chaude (rien de plus insipide qu’un bol d’eau tiède) par contre si vous vous y plongez et que vous y restez un peu vous y infuserez cette charité, cette paix qui vient de Dieu, vous diffuserez cette bonne odeur du Christ ; et, si vous sentez que vous manquez de saveur, si vous sentez un épuisement, si vous ne sentez plus le gout de la charité, remontez à la source, ne laissez aucune autre source vous remplir, vous donner du gout, écoutez  la parole de Dieu, tous les jours, lisez en quelques versets ; nourrissez-vous de ses sacrements, priez-Le dans le silence (je sais que je me répète dimanche après dimanche, mais comme je ne vous vois pas encore totalement embrasés, comme je ne vous vois pas tous gorgés de Dieu, débordant de Lui, c’est qu’il doit y en avoir quelques uns (rares) qui ne lisent pas tous les jours la parole de Dieu, c’est qu’il y en a qui se disent que la messe le dimanche ça suffit, que c’est déjà pas mal, c’est qu’il y en a qui ne se confessent qu’une fois l’an ; non ça ne suffit pas, ça ne suffit pas ! ou alors vous serez sec comme ces vieux sachets de thé usagés, vous serez sombre comme  une torche éteinte, vous serez triste comme un jour de pluie, vous serez froid comme un tison mort. Remplissez-vous de l’amour de Dieu et déversez-le sur le monde, déversez-le particulièrement sur ceux qui ne sont pas aimés, sur ceux qui ne croient plus à l’amour.

Dans ce monde Jésus n’y est peux être plus mais nous nous y sommes (et Lui en nous, et Lui par nous) Non, le monde ne nous contaminera pas, c’est nous qui le contaminerons, parce que nous sommes plus ardent, parce que Celui qui vit en nous est plus ardent, parce que le virus de la charité est bien plus puissant, bien plus contagieux.

Deuxième condition être Uni, « Pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes » vous avez vu hier soir le racing ? Ah non, vous jouiez au foot, c’est vrai, vous avez vu le paquet du Leinster, le 8 de devant soudés, liés, d’un bloc ? En rugby comme pour la mission on n’avance, on ne progresse que si on est unis. Toutes les divisions entre nous, sont un manque d’efficacité mais plus encore elles sont un contre-témoignage ; c’est fou l’énergie qu’on perd à se critiquer, à se tailler, à se tirer dans les pates, à se jalouser, « tu l’as vu celui là, il a communié à genoux ou celle là, a levé les mains au moindre chant et celui là qui communie dans la main et le père emptoir qui célèbre à l’envers, et le père siffleur qui dit la messe n’importe comment !!» comme si on avait que ça à faire ! Mes frères, nous avons un monde à convertir, nous avons une ville à embraser ne le perdez jamais de vue ! gardez les yeux fixés sur le Christ ! c’est lui notre unité.

Enfin troisième condition, être vrai,  « Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité » C’est par la cohérence de notre vie, la conformité de notre vie à l’Evangile auquel nous croyons que nous porterons du fruit, et là, encore une fois, il ne s’agit pas de vivre une autre vie, il s’agit de vivre exactement la même vie que vos amis, allez au stade et chantez comme eux et même mieux qu’eux, travaillez comme eux et même mieux qu’eux, faites la fête avec eux et même mieux qu’eux. Vivre la même vie, mais la vivre autrement, être témoin d’une espérance, être témoin d’une autre joie : je veux dire que des tuiles, vous en aurez comme les autres, le monde ne vous épargnera pas, ce n’est pas parce que vous êtes catholiques que vous ne connaîtrez pas la douleur d’un décès, la drame du chômage ou de la maladie ; mais rien de tout cela ne saura vous enlever la joie qui vient de Dieu.

Alors c’est vrai qu’on est bien là, on est bien entre nous, mais à votre avis le « allez dans la paix du Christ » que je vous lance à la fin, c’est juste pour bien terminer la messe ? c’est le signal pour aller chez Conté acheter le gâteau du dimanche ou pour filer à l’apéro ? c’est pour finir sur une bonne note ? Non ! C’est que votre lieu propre à vous fidèles baptisés, ce n’est pas l’église, c’est le monde ! L’église venez-y, venez-y tous les dimanches, venez-y comme on vient à la source, venez-y même tous les jours si vous voulez ou si vous dépensez cet amour trop rapidement (et ce serait bon signe), mais ensuite, n’y restez pas, laissez ça aux curés, votre boulot il est dans le monde, ce monde que nous aimons, ce monde que nous voulons transformer, ce monde qu’avec la grâce de Dieu nous allons rendre plus évangélique.

Elle est là notre joie.

 

Abbé Simon d’Artigue