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Un amour qui convertit – homélie 5 TP 2019

Un amour qui convertit – homélie 5 TP 2019

Quand je lis le livre des actes, ça me donne envie de partir en mission, ça me donne envie comme les disciples d’annoncer l’Evangile sur les places de Toulouse, pas vous ?

Alors, le 25 et 26 mai à Saint-Etienne, on va vous proposer de vivre un WE pour la mission, pour vivre la mission, pour se former à la mission. 

Et là, il y a  la moitié de l’assemblée qui se dit : « ouf !! Je peux pas j’ai piscine » ou en mode catholique, « je peux pas, j’ai la première communion de mon filleul », ou « on est invité chez mes beaux parents. Si j’y vais pas, c’est le drame familial » ; tandis que l’autre moitié de l’assemblée se dit « mais moi je suis déjà missionnaire, moi je suis missionnaire tous les jours, par ma vie ». Du coup, il va rester trois, quatre personnes pour ce WE.

Et bien oui, parce que la mission, on en parle dans le livre des actes, mais quand il s’agit de la vivre concrètement, il n’y a plus grand monde.

La mission, on la lit depuis 5 semaines dans le livre des actes des apôtres. Depuis Pâques, on voit le souffle qui entraine les disciples à annoncer la résurrection sur les places, de ville en ville, mais ça ne nous motive pas plus que ça. Pourquoi ? Parce que ça nous fait peur ? Parce qu’on se dit « oui mais ça c’était bon pour les disciples mais nous, nous ne sommes pas des disciples, nous on ne vit pas à Antioche de Pysidie, Atalia, Listres ou Iconium. Nous, on vit à Toulouse et on y est bien, tranquille, on n’a aucune envie de partir en mission, faire du tourisme évangélique. » 

Nous ne sommes pas des disciples, et c’est bien là le problème. 

Peut-être sommes-nous des catholiques pratiquants ? 

Peut-être sommes-nous de bons catholiques? 

Peut-être sommes-nous même des catholiques engagés ?

Mais il se trouve que Jésus n’a pas fait des catholiques. Jésus a fait des disciples, et c’est bien là le problème. Nous, nous contentons d’être catholiques.

Et tant que nous ne serons pas des disciples alors, en effet, notre Eglise restera une Eglise de confort et de conservation ; et nous la regarderons décroitre et mourir à petit feu, en nous disant éventuellement que le père Simon exagère un peu, que notre Eglise n’est pas si mourante que ça, qu’il y a des familles, des enfants, que l’avenir est radieux…. Illusion. 

Est-ce que nous voulons être plus que des catholiques ? Est-ce que nous voulons être des disciples ? 

C’est la condition sine qua non pour que notre Eglise vive, pour que notre Eglise grandisse, comme dans le livre des Actes.

La solution, elle est là, dans ce mot, disciple ; dans cette attitude, être disciple.

Oui mais c’est quoi alors être un disciple ?

C’est simple, c’est dans l’évangile: « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres.»

C’est si simple d’être un disciple : il suffit donc de s’aimer, elle est donc là la clé de l’évangélisation ! Dans l’amour que nous avons les uns pour les autres. L’évangélisation, elle ne commence donc pas en allant sur le trottoir, en faisant du porte-à-porte, en témoignage à vos collègues de bureau, en les invitant à la messe des curieux le 26 mai. Non, l’évangélisation elle commence là, maintenant, ici, à cette messe, dans cette communauté rassemblée, en s’aimant. C’est tout simple !

Oui, mais alors, comment se fait-il que la cathédrale ne soit pas pleine à craquer ? Serait-ce que nous ne nous aimons pas vraiment, pas suffisamment ? Serait-ce que notre amour n’est pas assez visible ? 

Et c’est vrai que nous ne nous aimons pas tant que ça…

Est-ce que vous connaissez votre voisin de derrière ? Oui, celui qui est à la messe tout les dimanches derrière vous depuis des mois, voire des années.

Est-ce qu’au moment du baiser de paix, vous échangez réellement la paix ou bien grommelez-vous intérieurement ?

Est-ce que vous vous réjouissez du jeu de l’orgue, de la voix du chantre, ou des instruments ? 

Ne vous arrive-t-il pas, plutôt que de vous aimer, de râler contre les enfants qui font du bruit, de juger celui qui s’agenouille ou bien celui qui communie dans la main, celui qui ne vous ressemble pas parce qu’il ne prie pas comme nous, parce qu’il ne vote pas comme nous, parce qu’il n’a pas la même couleur que nous, parce qu’il ne pense pas comme nous ?

Bien souvent, nous passons notre messe à nous juger. Nous focalisons sur tout ce qui nous énerve nourrissant, par là, la colère, l’envie, le jugement.

Et tout le temps que nous passons à nous juger, nous ne nous aimons pas, quel temps perdu !!

Et cet amour qui ne circule pas entre nous empêche l’annonce du Royaume, stérilise à la racine toute velléité d’évangélisation. Car comment pourrait-il croire en Jésus Christ celui qui entrerait dans cette cathédrale s’il n’y rencontrait pas des disciples du Christ ? S’il ne voit pas de ses yeux le « à ceci tous reconnaitront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez » si vous vous aimez ?

Mais c’est compliqué de s’aimer au fond ; vous, époux et épouse en avez fait la promesse au jour de votre mariage et vous devez en éprouver la difficulté et, nous tous, nous savons d’expérience que ce n’est pas si facile que ça d’aimer, qu’il y a tant d’obstacles à l’amour véritable : l’habitude, la fatigue, l’incompréhension, les préjugés, la dureté de coeur, l’indifférence et tant d’autres ronces qui viennent étouffer notre coeur. 

C’est pour ça que Jésus en fait un commandement et pas une option : « je vous donne un commandement c’est de vous aimer  Oui mais, justement, on se dit que l’amour, ça ne se décrète pas. On ne peut pas être obligé d’aimer, sinon ce n’est pas de l’amour. L’amour, c’est un sentiment ça vous tombe dessus comme ça, on n’y peut rien.

Non. L’amour, ce n’est pas un sentiment volatile, un sentiment sur lequel nous n’aurions pas de prise. L’amour, c’est un acte de la volonté : j’aime parce que je choisis d’aimer. L’amour, ça se construit, ça se veut, ça se travaille, ça s’entretien. Le jour où j’arrête de vouloir aimer, l’amour est en grand danger.

Mais nous savons combien notre volonté est fragile. Alors la première étape pour aimer, pour apprendre à aimer, c’est de se laisser aimer par Jésus : «aimez vous comme je vous ai aimé». Tout est dans ce comme « je vous ai aimé« . Dieu nous a aimé le premier, nous ne sommes pas la source de l’amour. L’amour ne nait pas dans notre coeur, il nait dans le coeur de Dieu, il jaillit du coeur de Jésus pour se déverser dans le nôtre. 

Pour aimer, nous avons d’abord à reconnaitre l’amour, l’amour de Jésus au soir du jeudi saint quand il donne son corps et son sang au cours de la dernière Cène ; l’amour de Jésus quand il livre son corps et son sang sur la croix ; l’amour de Jésus quand il donne son corps et son sang pour nous à chaque messe, aujourd’hui encore. Reconnaître l’amour de Jésus, puis nous laisser aimer par lui. Accepter de nous laisser aimer et c’est cette acceptation qui vient guérir nos coeurs blessés, nos volontés défaillantes. Nous laisser aimer et l’aimer en retour. Et nous savons que pour l’aimer concrètement, il faut aimer nos frères. 

Alors, avant ce WE mission, nous avons à nous aimer, à nous pardonner, à nous accueillir, à nous embrasser lors du baiser de paix, à nous saluer, au début et à la fin de la messe. 

Et si nous nous laissons aimer,

Et si nous aimons le Christ,

Et si nous aimons nos frères,

Alors nous serons de vrais disciples, crédibles, et le monde le reconnaitra et la mission commencera et le monde se convertira, parce que nous nous aimons, parce que nous serons les témoins d’un amour qui nous dépasse, qui nous embrase et qui, par nous, embrasera le monde. 

Abbé Simon d’Artigue 

19 mai 2019