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Que ton règne vienne – homélie du Christ Roi 2019

Les larrons avaient un choix à faire, le choix de leur roi. Et nous aussi, ce matin, nous avons un choix à faire : qui va régner sur ma vie ? 

Et ce Notre Père que vous allez réciter pourrait vous aider dans ce choix.

Ça fait combien de temps que vous dites le « Notre Père » ? Des années ! Combien de fois l’avez vous dit dans votre vie, combien de fois répété, jusqu’à ce que ça en devienne une habitude mortelle, un slogan stérile, une prière rabâchée dont les mots n’ont pratiquement plus de sens, une prière que bientôt vous ne supporterez plus ?

Combien de fois avez vous dit « que ton règne vienne, Seigneur que ton règne vienne », et il est venu son règne ? Non, alors arrêtez de dire le « Notre Père », et puis soyez un peu cohérent levez vous et sortez de cette église, parce que ces prières cent fois répétées, elles ne servent à rien. Ces prières inefficaces, qui ne changent rien à notre réalité, à notre monde, ces prières universelles geignardes qui se contentent d’un sombre constat, terminées par un « Seigneur nous te prions », nous te prions pour que ton règne vienne, pour que notre terre change et pourtant rien ne change.

Il est où le règne de Dieu ? N’y-a-t-il pas une indécence à fêter le Christ Roi aujourd’hui alors que les bruits d’attentats résonnent à nos oreilles ? Où est-ce qu’il règne le Christ, le Christ Roi, celui que nous fêtons ce jour, il est où son règne ? Est-ce qu’il est dans nos rues ? Il est en Syrie ou en Centre-Afrique son règne ? Il est dans la crise qui jette les gens à la rue son règne ? Il est dans l’indifférence croissante vis à vis du pauvre, de mon voisin, son règne ? Il est dans ces dizaines de milliers d’enfant tués avant même qu’ils ne voient le jour le règne de Dieu ? Il est où son règne ? Il faut se rendre à la réalité, c’est un échec patent, ce n’est pas Lui qui règne. Il a perdu votre roi d’opérette, votre roi pendu au gibet de la croix et il faut bien nous y résoudre, c’est un autre qui a gagné. Regardez-le sur sa croix ensanglanté et maintenu, les mains liées et silencieux depuis 2000 ans : il est impuissant votre roi, et il nous en donne la preuve chaque jour, chaque soir au journal de 20h. Et ces directs en boucle qui nous jettent au visage la victoire du violent et de la haine, la victoire du diviseur, la victoire du prince de ce monde, la défaite criante du prince de la paix, du Christ Roi. C’est donc un échec son règne ou pire c’est un vœux pieu. Alors il faut arrêter de dire le « Notre Père », il faut arrêter de demander que son règne vienne, parce qu’il ne vient pas et que nous, nous passons pour des imbéciles, de doux rêveurs, des idéalistes, des impuissants. 

Mais, au fond, qu’est-ce qui fait échec à cette prière du Notre Père ? Qu’est-ce qui fait échec à la venue de son règne ? C’est vous et moi. C’est nous qui sommes baptisés et qui répétons le Notre Père sans foi dans le Fils, sans croire en la toute puissance du Père.

Vous croyez que c’est quoi le règne de Dieu ? C’est une espèce de réalité qui descendrait du ciel tout cuit ? Vous croyez qu’il va envoyer des armées d’anges pour transformer notre terre en son royaume ? Vous croyez que c’est en battant le pavé, en défilant et en hurlant des slogans que les choses vont changer, que le royaume de Dieu va advenir ?

Oui parce que le royaume de Dieu va advenir, et il advient déjà, il est là au milieu de nous. Mais quel royaume ? Un royaume où il n’y a pas d’autres armes que celle du Christ, un royaume où il n’y a pas d’autre loi que celle de l’Evangile, l’Evangile qui a façonné notre occident depuis 2000 ans, l’évangile qui porte les plus beaux fruits de culture et de civilisation. Ce royaume, il advient dans le cœur de chaque saint, il advient dans son Eglise d’abord quand elle est fidèle à son roi, « car notre Eglise est l’Eglise des saints ». 

Et comment ? Comment il advient le règne de Dieu ? Il advient en trois étapes :

La première, c’est quand vous dites « que ton règne vienne », vous dites « Seigneur viens d’abord régner sur mon cœur, sur ma vie ». Est-ce que vous acceptez cela ou bien est ce que vous continuerez à répéter le « Notre Père » en espérant que surtout rien ne change dans votre vie ?

Prenez garde, si vous la prenez au sérieux cette prière, si vous invitez vraiment le Christ, il risque de venir avec un fouet, le même que celui qu’il avait en entrant dans le temple de Jérusalem et de chasser de votre cœur, qui est le temple de Dieu (rappelez-vous), tous ceux qui y règnent aujourd’hui et qui y mettent le chaos, tout les marchands du temple, tous les voleurs, tous ceux qui souillent votre cœur, tout ce qui n’a rien à y faire. Prenez garde, si vous l’invitez il faut aussi accepter que, dorénavant, ce soit les armes du Christ dont vous vous serviez exclusivement : ni la haine, ni la violence mais la douceur et le pardon, ni le repli frileux ni le mensonge facile mais le don de soi et la vérité, ni le jugement rapide, ni la parole qui tue mais la parole qui encourage et la main qui sert.

Mais ça, c’est la première conversion : Seigneur, viens régner sur mon cœur. La deuxième conversion ou plutôt la suite logique de cette première conversion c’est : « Seigneur viens régner sur ma vie, fais que ma vie soit évangélique« . « Je veux que tu règnes », ça veut dire je veux que rien de ma vie ne t’échappe, il n’y a pas une parcelle que je mettrai de côté : le Christ veut tout de vous, il n’y a pas un domaine réservé. Il n’y a pas : « non, Seigneur, quand je suis au boulot, tu n’es pas chez toi, là tu n’entres pas, là tu ne règnes pas sur moi, là je laisse maître profit faire la loi sur ma vie, ou bien dans la triche ou encore dans cette relation qui n’est pas droite. Vous vous rappelez, vous l’avez laissé régner sur votre cœur, vous avez accepté que le Christ qui est la vérité règne. Seigneur, viens régner sur mes paroles, sur mes actes, sur mes regards, sur mes gestes, viens régner sur mes études, sur ma vie de famille, sur mes engagements. Viens, que rien de ma vie ne t’échappe.

Et il y a une troisième étape, mais elle ne vient qu’en dernier, c’est le règne social du Christ, le Christ veut régner sur notre pays, il veut une transformation profonde des structures de notre société. Vous savez, cette société que nous ne cessons de dénoncer, de critiquer quand nous allons dans la rue, quand nous manifestons (et nous avons parfois raison de le faire), ce monde ne nous convient pas, il y a tant de choses à changer. Mais, ce changement, il ne viendra que parce que vous vous êtes convertis. Il ne viendra ensuite que parce que vous vous engagez résolument dans ce monde, pas en le regardant de loin, pas en le critiquant de manière un peu hautaine, pas en vous retranchant dans une espèce de tour d’ivoire – fut elle catholique -, mais en vous retroussant les manches et en y mettant les mains. L’amour qui jaillit de la croix, il n’atteindra le monde, il ne convertira le monde que par l’intermédiaire de nos cœur et de nos mains, car le Christ n’a pas d’autres mains que les vôtres  aujourd’hui.

Le choix de votre roi, le choix de votre chef, le choix de celui qui vous gouverne façonne votre vie, et le monde où vous vivrez.

Alors il vous faut choisir un roi. Pris dans ce dilemme des deux larrons il nous faut choisir…

Aujourd’hui vous pouvez le redire, « que ton règne vienne », 

Peut-être allez vous le dire comme pour la première fois, en sachant que ce mot vous engage, en sachant que ce mot peut tout changer.

Que ton règne vienne, dites-le avec foi.

Que ton règne vienne, accueillez-le dans la joie.

Que ton règne vienne, viens habiter en moi.

Que ton règne vienne, Christ sois mon roi.

Que ton règne vienne Seigneur.

 

Abbé Simon d’Artigue

24 novembre 2019