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« Invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles » – homélie 22ème dimanche du temps ordinaire 2022

« Invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles » – homélie 22ème dimanche du temps ordinaire 2022

Dans les magazines de décoration, les maisons sont toutes plus belles les unes que les autres, on rêverait que chez nous ce soit pareil mais y’a pas à moufter on n’y arrive pas, c’est qu’il faudrait y passer beaucoup de temps, d’argent, d’energie  et ça on n’en a pas ou en tout cas pas assez.

C’est vrai des magazines de décoration, mais c’est vrai aussi des magazines de beauté ou de fitness, on ressemble rarement au gars bronzé, avec ses tablettes de chocolat et ses épaules dessinées, ben oui c’est qu’on veut bien aller courir un peu, faire quelques pompes et autres exercices de gainage (en général on espace les séances assez rapidement) mais on ne veut pas abandonner l’apéro et puis ça demanderait de la persévérance.

Et on continue comme ça à lire des magazine de déco, de fitness sans que rien ne change dans notre intérieur.

Mais il nous arrive parfois de faire la même chose avec la Bible, nous la lisons, ou au minimum nous l’écoutons chaque dimanche à la messe, parfois nous pouvons être intéressé par ce que nous dit l’Ecriture, notre intelligence peut être touchée, nous pouvons même être séduit par ce que dit le Christ mais rien ne change dans notre intérieur, c’est qu’il faudrait s’y engager, il faudrait y consacrer du temps, de la persévérance….

Alors on continue à venir à la messe (en nous disant que c’est déjà pas mal, et c’est vrai) on continue à venir à la messe sans que rien ne change dans notre vie… et ça c’est désespérant! Je crois même que beaucoup d’entre nous pourrait à la longue se dire:  « mais pourquoi est ce que je viens à la messe puisque ça ne sert à rien? puisque ça ne change rien dans ma vie?  » (si vous ne vous le dite pas, je connais pas mal de vos ados qui se le disent) il faut faire attention à cet écart qui s’insinue dans notre vie de foi, cet écart entre notre désir de croire, notre attrait pour ce que dit Jésus et la mise en pratique, il faut faire attention car cet écart est mortel, il finit par nous écarteler le coeur et l’âme et là trois solutions s’offrent à nous: 

On laisse tomber, la lecture de la parole de Dieu d’abord, la messe ensuite puis la foi enfin et le dimanche matin on reste dans son canapé.

Deuxième solution : on continue à venir à la messe mais comme une formalité, notre coeur devient sec, on peut tenir mais ce n’est pas ça être chrétien, c’est même le reproche que Jésus fait si souvent aux pharisiens. 

Mais il y a une troisième solution : prendre l’évangile au sérieux et le mettre en pratique, croire que ce que dit Jésus est la vérité et que s’il nous le commande ou même s’il ne fait que nous le conseiller, c’est que notre vie est en jeu, notre vie chrétienne, c’est que notre joie est en jeu, c’est jésus qui le dit, si tu fais ce que je te commande « heureux seras-tu ». Jésus ne nous fait jamais la morale, il veut juste notre bonheur, si vous êtes là ce matin c’est parce que vous croyez que c’est vrai!

Dans notre évangile, Jésus nous donne deux commandements : « va te mettre à la dernière place et invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ». 

Là on sent bien que ça gratte, que spontanément ça n’est pas du tout ce qu’on voudrait faire, mais vu que c’est une parabole, on interprète (c’est ce que nous, prédicateurs, faisons le mieux) on aseptise, on réduit, on ramène au raisonnable, mais Jésus n’est pas raisonnable du tout, si nous voulons une vie raisonnable ce n’est pas lui qu’il faut écouter, ce n’est pas lui qu’il faut suivre, il nous dit « va te mettre à la dernière place et invite des pauvres « 

« Oui mais Seigneur moi je n’en connais pas de pauvres et puis je ne serait pas quoi leur dire et puis il vont salir ma maison et puis ça pourrait me mettre en danger » et puis…. Et puis on va inviter sa famille, ses riches voisins, ceux qu’on connait bien, en bref on fait exactement le contraire de ce que Jésus nous commande et on s’étonne que notre vie chrétienne soit tiède, fadasse, on s’étonne de perdre la foi. 

Oui mais là vous vous dites (et je me dis avec vous) que la marche est trop haute pour inviter des pauvres. 

Alors commencez par une première marche, invitez à votre table quelqu’un de notre assemblée, quelqu’un que vous ne connaissez pas, quelqu’un qui pourrait être seul à midi ou demain ou la semaine prochaine, c’est une première forme de pauvreté, prenez cet engagement cette année de le faire non pas une fois mais plusieurs fois, pas parce que je vous y invite mais parce que Jésus le commande. 

Et une fois que vous aurez franchi cette marche, grimpez encore une autre marche plus audacieuse, puis une autre plus engageante encore, puis une autre jusqu’a parvenir à la radicalité à laquelle Jésus nous appelle « invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles » parce qu’il faut arriver à cette radicalité, ou plutôt il faut arriver à cette simplicité, à cette humilité qui est le chemin que Jésus nous commande. 

Il ne faut pas s’arrêter avant d’avoir parfaitement obéit à Jésus, sinon nous nous arrêtons sur le chemin de la joie, la joie que Jésus promet, à ceux qui lui obéissent, à ceux qui mettent sa parole en pratique, à ceux qui ne se contentent pas de l’écouter: « heureux seras-tu »

Prendre la parole de Jésus au sérieux entraine plusieurs conséquence  dans notre vie :

D’abord quelque chose de très humain : en ouvrant votre table vous allez connaitre de nouvelles personnes, des frères et des soeurs : « heureux seras-tu »

En nous ouvrant à cette pauvreté, c’est notre communauté qui est  transformée, qui s’élargit, qui s’agrandit : « heureux seras-tu » 

Notre communauté est transformée mais parce que nous ne sommes pas une ile isolée ou une forteresse imprenable, parce que nous sommes pleinement dans le monde ce que nous vivons entre nous transforme notre monde « heureux seras-tu »

Ensuite, en ouvrant notre table notre coeur qui pourrait avoir tendance à se rabougrir dans un confort bourgeois: étriqué, étouffant va s’élargir, se dilater « heureux seras-tu »

Nous découvrirons que Jésus est la vérité, ce qu’il dit c’est la vérité, que quand nous mettons sa parole en pratique notre vie est changée véritablement transformée et que nous pouvons avoir confiance en Lui si nous voulons marcher sur le chemin de la vie en plénitude « heureux seras-tu »

Nous découvrirons aussi qu’en accueillant les pauvres c’est notre propre pauvreté qui nous est révélée (c’est d’ailleurs pour ça que nous avons peur, du mal à les inviter) on n’aime pas voir notre propre pauvreté, notre fragilité. « heureux seras-tu »

Nous découvrirons enfin qu’en accueillant le pauvre c’est le Christ lui même que nous accueillons à notre table « heureux seras-tu »

Et quand le Christ vient dans nos vies il guérit, il console, il fortifie, il éclaire, il transforme, il apaise, il sauve !

 

Heureux serons-nous!

 

Abbé Simon d’Artigue