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Rose – homélie Gaudete 2019 – 15/12/19

Mettez vous une seconde dans la tête de vos amis quand ils apprennent que vous êtes catholique : immédiatement, ils leur traversent 10 images : le gars qui couche pas avant le mariage, qui mange du poisson tout le carême, qui se lève trop tôt le dimanche, qui porte un cilice, qui s’habille en jupe, et qui est contre toute forme de progrès. Oui, en bref, il vous regarde avec un air un peu apitoyé. 

Enfin, il faut avouer que les curés ne vous aident pas vraiment, ils vous redisent tout le temps : « c’est pas tous les jours facile d’être catholique, il faut faire pénitence, on est un peu les derniers et puis de toute manière c’est la fin du monde ». Et quand ce ne sont pas les curés, c’est Jésus lui-même : « Prends ta croix et suis-moi » et là, Jésus se retourne et… et y’a personne qui a envie de le suivre ! Tu m’étonnes ça fait pas rêver, c’est pas du tout motivant comme discours ! Du coup avec l’EAP, on s’est dit qu’est ce qu’on pourrait faire pour rendre l’église moins austère, plus attirante ? Alors je me suis habillé en rose ! C’est sympa le rose non ? c’est plus jeune, c’est plus fun, non ?

C’est vrai, on a tout essayé pour attirer les gens à l’église mais on n’y arrive pas ! On a fait des messes le matin à 8h, trop tôt, le soir à 18h30, trop tard ; on a mis de l’encens et du grégorien on nous a dit : trop tradi ; on a sorti les percussions, les guitare et les chants de l’Emmanuel, on nous a dit: trop charismatique, on a fait des soirées belote on nous a dit: c’est pas très catholique on a fait des soirées sur la trinité et l’enfer on nous a dit : c’est trop catholique ; on a proposé l’école des disciples, on nous a dit : trop intello ; du coup, on a proposé des prières, on nous a dit : trop silencieux, trop austère ; on a fait des soirées détente avec musique et tireuse à bière, on nous a dit : démago ; on a fait des soirées sur la sainteté, on nous a dit : c’est inaccessible c’est trop mon père… alors là, je ne sais plus, c’est désespérant… Alors pour me changer moi qui ai plutôt l’habitude de broyer du noir, je me suis dit « tiens pourquoi ne pas essayer le rose, pour mettre un peu  de fun, pour donner un image gaie, une image joyeuse, une image plus sexy de l’église », vous trouvez pas que c’est plus gai le rose ? C’est bien non ? Non ? Manifestement non, ce n’est pas vraiment plus joyeux, en tout cas ça ne vous rend pas vraiment plus joyeux, tant pis je vais me changer, je vais retourner au violet très foncé presque noir.

Pourtant, vous avez entendu ce dimanche, on avait vraiment essayé d’égayer l’ambiance avec les lectures  Isaie : « qu’il exulte et crie de joie ! ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. » Le psaume qui est un immense cri de joie pour l’action de Dieu et même Saint Jacques qui nous encourage à une joyeuse patience. Il y a juste l’évangile où il y avait un problème, je ne sais pas ce qui s’est passé, mais pour l’Evangile, il n’y a pas un gramme de joie, il y a juste Jean-Baptiste et Jean-Baptiste, ce n’est pas un  exactement un comique troupier, c’est pas lui qui va dérider vos soirées. Jean-Baptiste qui, habituellement, crie dans le désert, là il croupit au fond de sa prison et je dois avouer que je n’y vois pas du tout la joie. 

Et pourtant, elle y est la joie, elle est là la joie, enfin elle est presque là. Cherchez là bien, fouillez un peu, creusez un peu. La joie, la vraie joie elle demande toujours de creuser un peu, d’attendre un peu. Le rose, en fait, c’est une sorte de mélange, entre le violet de l’Avent et le blanc de Noël. C’est pour nous dire que sous le violet de l’attente, il y a déjà la joie de Noël, la joie de la crèche. « La joie de la crèche je me marre, c’est quoi la joie de la crèche, c’est un bœuf, un âne et trois moutons qui se battent en duel autour d’un soufflet qui braille dans ses langes, c’est ça la joie ? « 

Vous voulez que je vous dise moi ce que c’est la joie ? Allez, je vais vous faire une petite géographie de la joie Toulousaine, j’élargis un peu votre horizon. Bon alors à tout Seigneur tout honneur : la place du capitole, haut lieu de la joie toulousaine, vous n’avez qu’à voir la joie qui règne au marché de Noël. Vous avez la joie ovale : Ernest wallon (enfin c’est le bonheur quand on gagne parce que je vous rappelle les années de vaches maigres où ce n’était pas vraiment la fête, un temps qui m’aurait presque fait aimer le TFC, non je plaisante !). Une joie plus raffinée : l’opéra ou la halle au grains vous payez pour entendre la traviatta mais c’est la joie. Vous avez aussi la joie gastronomique : là c’est plutôt chez Carmen ou si vous avez les moyens Sarran. Vous avez la joie commerciale, c’est le marché de Noël ou Zara un jour de solde (il faut aimer le contact). Vous avez la joie tranquille, c’est votre lit et son oreiller douillet. Voila c’est ça la joie ! Non ?

Etes-vous certains que c’est ça la joie ? Non ça, ce n’est pas la joie ! ça ce sont des joies, des petites joies, des vraies joies bien souvent mais des joies partielles, des demies, des quarts, des débuts de joie. Mais vous, ce que vous voulez, ce ne sont pas juste des petites joies, c’est la joie, la joie parfaite, vous attendez autre chose, non ? Vous devez être de la même race que la foule qui venait vers Jean-Baptiste, qui cherchait quelque chose auprès de Jean-Baptiste ? Cette foule cherchait la joie, la joie qui doit venir et cette joie elle ne ressemble pas à toute ces joies que je viens de vous décrire. Elles en sont parfois les prémices de la joie, mais surtout ne les prenez pas pour la fin du chemin, pour la joie parfaite. Si vous vous contentez d’elles, vous y perdriez mais surtout vous vous perdriez, vous vous épuiseriez (celui qui met sa joie dans une victoire du stade, dans une langouste flambée à l’Armagnac ; ou dans une soirée chez Sarran c’est le plus triste des hommes).

Bon, je vous vois venir, je sais ce que vous allez me dire : « mon père, vous allez nous dire que la joie elle est dans l’ascèse et le renoncement, dans l’ordre et l’abandon, dans le silence de la prière et la pauvreté, c’est bon je vous connais par cœur, mais vous savez que ça ne fait rêver personne l’ascèse ? « 

Ok, dans ce cas là, continuez à vous épuiser et quand vous aurez suffisamment faim et soif, approchez-vous de Jean-Baptiste, écoutez sa voix, écoutez sa voix parce qu’il n’a rien d’autre à vous proposer que la conversion, parce qu’il n’a aucun autre chemin à vous montrer que celui de la crèche que celui qui conduit à Jésus Christ. Mais vous remarquerez que Jean-Baptiste ne vient pas vous harceler, il crie dans le désert ; vous avez remarqué que tout le monde ne vient pas à lui, quelques disciples : pour eux, le parler rude du prophète est une Bonne Nouvelle. Alors humblement, ils demandent : qu’est-ce que se convertir ? Parce qu’ils pressentent qu’il est là le secret de la joie. Ils ont bien essayé tous le reste et rien ne les a comblés. 

Ils savent qu’il y a autant de formes de joie qu’il y a de formes d’amour. Il y en a de grandes et de petites, (des bonnes et des moins bonnes). Et puis, il y a la Joie avec un grand J, la vraie. Celle qui m’indique au plus intime de moi-même que je suis sur le bon chemin, que je vis le véritable amour, celui qui conduit au bonheur. Car toute autre joie, aussi bonne soit-elle, est imparfaite. Toute autre joie, si intense soit-elle, est comme rongée de l’intérieur par la conscience que j’ai qu’elle ne pourra pas durer. Toute autre joie est éphémère, alors que la vraie joie c’est celle dont Jésus nous affirme que personne ne peut nous l’enlever (cf. Jn 16, 22). La vraie joie, elle ne passera jamais, parce qu’elle est fondée sur un amour qui, lui non plus, ne passera jamais et cet amour, c’est la charité.

A la source de la joie du Baptiste, il y a donc la charité. Mais, à la source de la charité, il y a la foi. C’est la foi qui nous révèle la présence cachée et mystérieuse de Dieu dans nos vies, et Jean est le prophète de la présence de Dieu. Il nous apprend à reconnaitre Dieu dans notre vie. 

Combien de personnes passeront devant la crèche sans s’y arrêter parce qu’ils ne reconnaitront pas dans l’enfant Jésus leur sauveur ? Combien de badauds passeront dans la cathédrale sans reconnaitre sous l’apparence du pain la présence réelle de Jésus qui se donne pour eux ? Combien à Noël trouveront au pied du sapin une joie qui passe, qui lasse alors qu’a la crèche l’enfant Dieu nous attend pour nous offrir sa joie, la vraie joie, la joie qui demeure ?

 

Abbé Simon d’Artigue