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La correction fraternelle – homélie du 23 dimanche du temps ordinaire

Quand je vois mon frère qui file un mauvais coton qu’est-ce que je fais ?

Qu’est-ce que je fais quand je vois un couple d’amis qui se dispute et se déchire ?

Mon conjoint qui travaille plus que de raison et qui n’accorde plus de temps à sa famille.

Un ami qui traine sur des sites pornographiques qui lui pourrissent la vie, l’âme, le cœur.

Un frère qui se laisse enfermer dans la drogue ou la boisson.

Un ami qui s’engage dans une relation dangereuse…

Avouons-le, bien souvent nos deux attitudes sont de nous dire « mais ça, c’est sa vie, je ne vais pas commencer à m’immiscer dedans» ou l’autre attitude, bien pire encore, d’aller déblatérer et médire sur cette personne avec des personnes animées des meilleures intentions, bien entendu.

Cette attitude est mortelle !! Trois fois mortelle.

Mortelle pour celui qui est en train de se perdre et que je laisse se perdre : il prend le chemin de la falaise, de l’abime, je le sais mais je ne fais rien…

Mortelle pour moi qui répands la mort, moi qui m’enferme soit dans l’indifférence, sois dans le jugement hautain.

Mortelle pour notre communauté que la médisance, sous les atours de la fraternité, divise, car c’est toujours entre frères présents qu’on tue son frère absent ; la médisance, ce venin qui divise les frères, qui paralyse la charité avant de tuer la communauté.

Et, au début de cette année, le Christ nous montre le chemin de la guérison, la guérison individuelle et la guérison communautaire, car qu’est-ce qui m’empêche d’aller reprendre mon frère, plutôt que de médire sur lui entre gens de bonnes compagnie ?

Il y a de bonnes raisons ou plutôt des raisons louables (enfin qui nous permettent de nous défiler à bon compte) : « de quel droit est ce que je peux le reprendre ? Qui suis-je pour juger mon frère? Je ne suis pas meilleur que lui. » Il y a un espace de respect humain qui nous retient.

Mais il y a aussi de mauvaises raisons : « C’est son problème »: l’indifférence ; « Chacun ses problèmes » : l’individualisme.

Or, la correction fraternelle est un des moyens humains les plus efficaces pour grandir en sainteté, car il est là l’enjeu que souligne le Christ dans l’Evangile, non pas de la morale mais le salut personnel, la sainteté de mon frère. Et nous sommes responsables les uns des autres, je suis responsable de mon frère.

Il n’y a pas que le berger qui est responsable du troupeau, nous sommes responsables les uns des autres, contrairement à ce que Caïn, le fratricide, répondait à Dieu « suis je responsable de mon frère? »

Alors comment faire ?

1 Vérifier d’abord que j’aime mon frère, que ce qui m’anime ce n’est pas la jalousie, l’envie, l’orgueil mais la seule charité fraternelle et le véritable amour est exigeant. Vérifier que ce que ce que je vais lui dire est pour le faire grandir ; ou bien est-ce pour le détruire, le rabaisser, l’humilier. Si c’est le cas autant que je me taise.

2 Prier pour lui, prier pour que mes paroles soient justes, prier pour qu’il entende ce que j’ai à lui dire.

3 Aller le trouver seul à seul, face à face et dialoguer, c’est le grand conseil de saint Matthieu. Plutôt que d’aller en parler à des personnes en rien concernées et médire sur mon frère, aller le trouver lui directement, le seul intéressé.

4 Créer un cadre favorable : ne pas faire ça entre deux portes, dans une salle où il y a d’autres personnes, quand on est pressé. Non, prendre du temps avec lui. ce qui est en jeu c’est notre sainteté, ça mériterait qu’on s’y arrête un instant.

5 Dire la vérité, sans jugement : juste ce que je constate, ce que j’ai ressenti, ce qui m’inquiète.

6 S’engager à l’aider sur le chemin de conversion. La correction fraternelle, ce n’est en aucun cas faire la morale, c’est dire « je suis avec toi, je ne suis pas ton juge, je suis ton frère. »

7 Permettre à son tour d’être repris, dire à son frère si je me permets de te reprendre aujourd’hui c’est parce que toi aussi tu peux me reprendre chaque fois que tu vois que je suis en danger. Nous nous sauvons ensemble, nous sommes responsables de la sainteté les uns les autres.

Mais comment entendre cela ?

En principe quand quelqu’un nous reprend nous réagissons, parfois avec violence ou en niant, en nous justifiant, en donnant nos raisons.

Dans ce cadre, je vous invite à écouter en silence, sans réagir, laisser mon frère dérouler tout ce qu’il a à dire; et même prier pour demander au Seigneur de nous donner un cœur accueillant. Et plus encore remercier son frère pour ses conseils,  même s’ils sont durs à entendre, même si je juge qu’ils sont faux. Remercier, cela fait grandir dans l’humilité. Enfin demander l’aide de son frère ; il m’a repris, il a eu cette audace de m’inviter à la conversion, il peut encore nous aider sur ce long chemin.

C’est un chemin exigeant, mais l’amour est exigeant.

C’est un chemin de croissance individuelle et communautaire que le Christ nous propose au début de cette année.

C’est un chemin concret et la conversion passe toujours par des choses concrètes, quotidiennes.

C’est un chemin qui concerne notre communauté ici rassemblée mais aussi toutes nos autres communautés et je pense particulièrement aux couples et aux familles.

Confiant dans la Parole que Jésus adresse à ses disciples dans l’Evangile, à la parole qu’il nous adresse au début de cette année Je vous propose de le suivre sur ce chemin de conversion, ce chemin de sainteté.

 

Abbé Simon d’Artigue