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Edito février

Edito février

Poussière !?

Ce mercredi 22 février 2023, nous entrerons en carême. Nos fronts seront marqués par le signe des cendres, fruit de la combustion des rameaux bénis au début de la semaine sainte 2022. Nous entendrons alors l’invitation : « Convertis-toi et crois à l’Évangile ! » Il est possible aussi d’utiliser l’ancienne formule, de moins en moins en usage : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ! ». Sous son aspect austère et funèbre, cette expression est pourtant pleine de sens et d’espérance !
Elle nous rappelle que nous sommes, pendant cette vie terrestre, pourvus d’un corps composé d’éléments matériels, à l’instar des molécules de l’univers, qui permet à notre intériorité de s’exprimer dans les cadres de l’espace et du temps qui définissent ce « bas »-monde. Ce bon et fidèle serviteur nous est donné pour connaître, aimer, servir, interagir avec nos semblables de façon adaptée aux conditions de la vie terrestre.
Hubert Reeves, constatant cette composition matérielle de notre « physique », semblable au reste de l’univers, d’origine stellaire, nous déclarait : « poussière d’étoiles ». Probablement sans le savoir ni vouloir le dire, il rejoignait ainsi l’origine biblique de notre corporéité, façonnée amoureusement par le Dieu de la Genèse, avec la glaise du sol, devenue être vivant lorsque lui fut insufflé le souffle divin qui nous fit « âme vivante » et respirante. Origine peut-être stellaire de notre composante matérielle, notre poussière aura été, à l’heure de notre décès physique, le compagnon qui exprima notre âme, notre esprit, nos sentiments. C’est pourquoi, lors des obsèques catholiques, est pratiqué le beau rite de l’encensement, plein de respect pour la personne qui a été ce corps qui retourne à la terre d’où il a été « tiré ».
Le législateur français sera bientôt appelé à se prononcer sur la « fin de vie ». Pour le chrétien, qui adhère à la foi en la Résurrection du Christ, qui s’est manifesté vivant et pourvu du « corps glorieux », délivré des limites de l’espace et du temps, mais bien réel, la mort physique n’est pas, bien loin de là, la fin de vie. Ce serait même carrément le contraire ! Le passage à travers la mort corporelle est en fait l’entrée dans la vie avec un grand V et cette naissance en quelque sorte définitive fait suite à une existence terrestre qui est en fait une sorte de « grossesse » où s’élabore, par les choix du bien ou du mal effectués ici-bas, notre destinée éternelle. Unis à la vie bienheureuse du Père, du Fils et du Saint-Esprit, depuis notre baptême, nous goûterons au Bonheur du Royaume, sauvés par la grâce rédemptrice du Christ, si nous avons su l’accueillir en vivant l’Evangile, autant que nous l’aurons pu, sous la guidance de son Esprit, en faisant au jour le jour la volonté du Père incarnée dans l’amour de nos frères et sœurs en humanité.
Nous ne serons pas simplement un bon souvenir dans la mémoire de Dieu, une âme évanescente sans visibilité ni capacité d’interactions avec les habitants du paradis, les anges, les saints, les défunts, nos défunts.
A la suite du Christ ressuscité, nous aussi serons dotés d’un corps « glorieux » qui sera bien individuellement le nôtre. Adapté aux paramètres de la condition éternelle, tout aussi bien et même bien mieux que notre corps physique ne l’était aux réalités du monde terrestre. Dieu qui a « façonné notre poussière », saura, n’en doutons pas, susciter ce que saint Paul appelle, à défaut de terme adéquat, un corps « spirituel » où nous reconnaîtrons, et où les autres habitants du ciel, reconnaîtront aussi, mais en tellement mieux, notre « visibilité terrestre » « telle qu’en elle-même enfin l’éternité la change », pour reprendre l’expression du poète.

Sachons aimer, respecter, cultiver ces poussières d’étoiles que sont nos corps et ceux des autres pour dessiner d’autant mieux notre visage d’éternité. Continuons ainsi notre effort renouvelé de conversion personnelle et communautaire en préparant pendant ces quarante jours la fête de le Résurrection du Christ. Elle annonce déjà l’accès à notre propre naissance définitive et l’avènement du monde à venir. Car si nos corps terrestres sont peut-être venus du ciel des étoiles, nous sommes en vérité, âme, corps, esprit, promis au Ciel de Dieu.

Abbé Jean-Jacques Rouchi