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C’est le manque qui nous manque – Homélie 28 TO B

C’est le manque qui nous manque – Homélie 28 TO B

Les médisants, dehors!

Les riches trop avares pour lâcher un billet, dehors!

Les divorcés dehors!

Les remariés dehors!

Les concubins dehors!

Les orgueilleux, dehors!

Les ingrats, dehors!

Les calomniateurs, dehors!

Les flatteurs, dehors!

Ceux qui jugent de haut les pauvres gueux, dehors!

Les jaloux dehors!

Les coeurs durs, incapables de pardonner, dehors!

Les adultères dehors!

Les méprisants, dehors!

En fait tout ceux qui ne sont pas conformes, dehors!

Une Eglise de purs, c’est donc ça qu’il nous faut, une Eglise de parfaits c’est ça dont je rêve.

Oui mais il y a un seul problème, c’est que c’est rare, un parfait…

Alors vous me direz ça va nous faire de la place dans la cathédrale, en fait si on vire tout ce petit monde, toute ma litanie (incomplète) de tout à l’heure il ne va pas rester grand monde, en fait tout bien calculé il risque de ne rester que le jeune homme riche celui qui a tout bien fait « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. » mais il n’y a que lui qui peut dire ça! parce que moi je ne peux pas le dire. « Seigneur j’ai tout bien fait » et puis d’ailleurs je n’ai aucune envie d’envisager la vie chrétienne comme une conformité, quelle horreur!!

Et c’est exactement ce que nous reproche le monde de présenter la foi comme une morale avant tout, de présenter  la vie chrétienne comme l’obéissance à une séries de règlements, de préceptes et de lois alors que notre foi n’est pas une conformité à la loi, à la règle, (je dirai même que c’est l’exacte inverse d’une conformité, c’est une non conformité à l’esprit du monde en fait)

La vie chrétienne ce n’est pas une conformité, la vie chrétienne c’est le « suis moi » que jésus adresse à ce jeune homme

Et ce « suis moi » chacun de nous l’avons entendu et chacun de nous l’avons essayé et nous avons buté, nous n’y sommes pas arrivé, peut être même avons nous renoncé à le suivre.

C’est parce qu’entre l’énumération des commandement auxquels il s’est conformé et le « suis moi » de jésus, il y a 5 éléments, 5 étapes qui jalonnent, qui rendent possible notre réponse à ce « suis moi » que jésus nous adresse aussi: 5 étape: un désir, un amour, un manque, une liberté, un accueil

Parce que le jeune homme aussi a renoncé et pourtant  nous dit l’Evangile « jésus l’aima », qu’est ce que jésus aime chez ce jeune homme? Ce qu’il aime c’est son désir, son désir de plus, de plus grand, de plus de vie

un désir et il est premier dans le coeur du jeune homme « que dois je faire pour avoir la vie éternelle » y a t il plus grand désir? C’est notre désir et nous le disons chacun a notre manière, seigneur comment faire pour être saint? comment faire pour être heureux? J’espère que nous avons ce même désir au coeur, le même désir que le jeune homme, sans ce désir jésus ne peut rien faire, sans ce désir nous resterons assis au bord du chemin, nous renoncerons. car l’évangile nous le dit « jésus posa son regard sur lui et il l’aima » et c’est ça que jésus aime, c’est ça qu’il aime chez nous le grand désir, le désir de plus, Seigneur fais grandir en moi ce désir de plus

la deuxième étape c’est Un amour, l’amour du christ pour ce jeune homme , l’amour du christ pour chacun de nous et ce que jésus aime ce n’est pas la conformité, la rectitude de vie, c’est le désir, mais notre désir, notre grand désir de sainteté, d’absolu, d’idéal sans l’amour du Christ il est voué à l’échec, un échec immanquable. notre désir sans l’amour il risque de tourner au pélagianisme, c’est à dire de croire que nous pourrions y arriver par nous même et ce n’est pas une tentation pour le seul jeune homme riche,  Pierre lui-même (et là Pierre se fait le porte parole des douze, mais en fait il se fait le porte parole de tous les disciples, c’est à dire de nous aussi mes frères) Pierre lui-même dit « voici que nous avons tout quitté pour te suivre » eh oui Pierre dit à Jésus, Seigneur tu as vu tout ce que nous avons fait pour toi, tous nos efforts, toutes nos belles oeuvres, toutes nos réalisations? Ça mérite bien une petite récompense non? Et bien non Pierre tu ne mérites rien, ou plutôt tant que tu te situes dans cette logique du mérites, du salaire, de la rétribution, tant que tu veux te saisir du don tu n’auras rien ou presque rien, tu ressembles à ce gros chameau, tu n’entreras pas dans le royaume de dieu et c’est la troisième étape, celle du manque, de la mendicité.

Un manque, il faut éprouver un manque « Une seule chose te manque, vends tout ce que tu as.» ce qui nous manque c’est le manque, finalement tant que nous croyons que nous pouvons nous en tirer avec nos richesses, nos forces nous sommes perdus, ou plutôt, et c’est pour ca qu’il repart tout triste, parce que son désir de plus se heurte à sa richesse qui lui fait croire qu’il a tout, qui lui fait renoncer à ce plus. ce qu’il lui manque c’est le manque et jésus vient creuser en nous ce manque, quand il lui demande de se débarrasser de tout ce qui l’encombre c’est pour ne compter que sur Dieu seul. Finalement le jeune homme repartira tout triste parce qu’il avait de grand biens c’est quand même paradoxal d’être tout triste parce qu’on a de grand biens! Mais c’est la vérité, jésus nous appelle à plus, le jeune homme avait pressenti ce plus que Jésus pouvait lui offrir. Mais ce grand désir et cet appel à plus, exige de nous à consentir à moins et nous nous le refusons parce que nous tenons à ces grands biens. or il est là le prix de notre liberté

Une liberté et c’est la quatrième étape, une étape qui exige de trancher, trancher dans ce qui nous attache pour être libre et là nous avons chacun nos richesses celles qui nous rendent si tristes, nous avons chacun nos entraves qui nous empêchent de suivre le Christ et bien souvent ce sont des entraves qui nous semblent bonnes, enfin je veux dire ce n’est pas nécessairement le gros péché, pour le jeune homme riche, c’était sa richesse et aussi la certitude d’y arriver seul, de se cacher derrière le faire, seigneur vois tout ce que j’ai fait pour toi, or si jésus nous demande le dépouillement volontaire (et parfois il prends soin de lui même nous dépouiller, de nous émonder), il tranche et nous invite à l’audace,  la sainteté à laquelle jésus nous appelle, ce plus qu’il désire pour nous, cette liberté est un risque à prendre. Mais ce risque nous ne pouvons pas le prendre tant que nous comptons sur nous, ce risque il est un abandon, un accueil

Un accueil et c’est l’ultime étape, l’étape nécessaire  pour nous faire passer de la foi comme conformité à la règle, à la foi comme vie, comme réponse au « suis moi » de Jésus, car c’est bien ça la vie chrétienne, non pas être conforme mais suivre le Christ et ça nous en sommes absolument incapable sans sa grace, sans l’accueil de son don, sans la reconnaissance de notre pauvreté. et malheureusement le jeune homme de l’Evangile ne reconnait que sa grande richesse, il ne reconnait pas sa pauvreté et nous mes frères reconnaissons-nous notre  pauvreté, nos échecs, notre incapacité à suivre le Christ ? Seigneur donne moi de ne pas avoir peur de cette pauvreté, de cette faiblesse, donne moi d’accueillir ta grace dans un coeur de pauvre et loin de m’en désespérer, de t’entendre me dire: « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »

Et comme le jeune homme riche est reparti tout triste car il avait de grand biens nous repartirons tout joyeux parce que nous n’avons rien, rien d’autre que toi Seigneur, toi avec qui tout est possible.

Amen

 

Abbé Simon d’Artigue