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Homélie Noël 2016 – La crèche

Homélie Noël 2016 – La crèche

J’ai entendu dire que la crèche faisait peur à certains, à tel point qu’on voudrait la cacher, on ne voudrait pas la voir dans nos lieux publics de peur qu’elle fasse vaciller la laïcité.

Vaciller la laïcité ? Mais en quoi cette crèche, si innocente, si paisible,  si frêle, en quoi Marie et Joseph, le bœuf et l’âne, les anges et les bergers, en quoi l’enfant de la crèche représentent-ils une menace ? Notre laïcité est elle si fragile, si faible qu’elle aurait quelque chose à craindre de la crèche ? La crèche : combien de division aurait dit Staline ? Non mais vous imaginez le tableau : Marie chevauchant son âne et Joseph sur le bœuf en train de monter à l’assaut la république.

Pourquoi la crèche fait-elle peur ? Combien de petits enfants s’approchent d’elle sans crainte ? Sont-ils si audacieux, voire téméraires, pour monter ainsi au front ? Ou bien serait-ce nous,  qui, avec nos cœurs vieillis, nos cœurs blasés, nos cœurs durcis, craindrions la crèche ?

La crèche ne fait peur qu’à celui qui la voit comme un ennemi. Et c’est vrai que depuis 2000 ans, il y en a tant qui verront cet enfant comme un ennemi, Hérode le premier qui craindra pour son trône, et à sa suite tout ceux qui craignent de perdre un pouvoir tremblent devant l’enfant de la crèche. Et pourtant, cet enfant n’est rien venu nous prendre. Il est venu tout donner aux pauvres qui tendent leurs mains vers lui. Peut-être est-ce pour cela que nous avons peur de la crèche ? parce que nous avons perdu le sens du don.

La crèche interroge et intrigue aussi parce que nous voyons en elle un signe : celui de Dieu avec nous, Dieu au milieu de nous. Pas ce Dieu lointain que nous convoquerions quand ça nous arrange mais un Dieu tout proche, un Dieu qui nous connait, un Dieu qui prend part à nos vies, un Dieu fait homme. Or, il faut bien l’avouer, nous, depuis pas mal de temps, nous nous sommes appliqués à chasser Dieu de nos villes et de nos vies, lui accordant au mieux une heure le dimanche matin.

Nous avons chassé Dieu de nos vies et lui poli, lui qui ne s’impose jamais, il est parti -il se tient bien là, à la porte de nos cœurs attendant que nous lui ouvrions a nouveau-, il est parti laissant derrière lui un vide abyssal dans nos cœurs, un vide que rien d’autre ne semble pouvoir combler. Mais vous le savez bien, la nature a horreur du vide (et notre nature humaine, plus encore que le reste) ; nos cœurs ont horreur du vide, alors nous avons éprouvé le besoin de remplir, de nous remplir. Regardez le marché de noël place du Capitole (qui a tout du marché et pas grand-chose de Noël). Il est comme le symbole flagrant de ce sentiment : pour combler le vide, nous faisons notre marché, nous achetons, nous consommons, nous consommons, nous mangeons, nous nous gavons, parfois jusqu’a la nausée et pourtant rien de ce que nous achetons ne saurait nous combler. A-t-on déjà vu le cœur d’un homme être comblé par des marrons grillés, un parfum ou une console de jeu ? Non ! tout cela passe, se casse ou bien nous lasse. Nous avons besoin de bien plus que tout cela : nos vies sont trop plates, trop creuses, trop vide sans Dieu ; nos cœurs sont faits pour rien de moins que pour Dieu. Sans lui nous survivons, en dehors de lui nous vivons à la surface de nous-mêmes.

Mais au fond, je crois que nous avons bien raison de nous approcher de la crèche, nous avons bien raison de nous laisser interroger par elle, nous avons bien raison de ne pas y voir qu’une simple représentation culturelle inoffensive car la crèche est subversive. Sous ses dehors gentillets, elle cache une véritable révolution : prenez garde à vous, car si vous preniez au sérieux ce qui s’y passe dans cette crèche, si vous prêtiez l’oreille à ce que cet enfant a à nous dire, alors attendez vous à de grands changements. Ne vous approchez pas trop d’elle et si vous voulez que surtout rien ne change dans vos vies, n’écoutez pas les conseils que vous donnera cet enfant.

Mais si par contre vous croyez que la crèche n’est pas seulement une décoration de plus pour Noël, un folklore coincée entre la dinde aux marrons et le gros vieillard barbu, si vous croyez que la venue de cet enfant a changé la face de la terre et pourrait continuer son œuvre en vous , en changeant la face de vos vies, alors approchez-vous de la crèche sans crainte.

Approchez-vous de la crèche et laissez-vous transformer !

Laissons nos vies être transformées par cet enfant !

Laissez-vous enseigner par le silence de Joseph, Joseph ce grand silencieux qui nous apprend que rien de beau ne se fait dans le bruit, qui nous apprend que nous avons besoin de ce silence pour nourrir notre vie intérieur (car oui, nous avons une vie intérieure), qui nous enseigne que « le bruit ne fait pas de bien et que le bien ne fait pas de bruit. »

Laissez-vous enseigner par l’obéissance de Marie qui nous apprend que la vraie liberté, ce n’est certainement de pouvoir faire ce que je veux, comme je veux quand je veux, mais que la vraie liberté, c’est d’aimer et de dire oui à ce Dieu qui nous aime.

Laissez-vous enseigner par la pauvreté des bergers, qui nous apprennent que les premières places à la crèche étaient réservées aux pauvres de Bethleem, qui nous enseignent qu’un monde qui ne fait pas sa place aux plus pauvres, aux plus petits, aux plus fragiles d’entre nous, un monde où ne compteraient plus que l’efficacité, la force et la rentabilité est un monde qui dépérit.

Laissez-vous enseigner par la joie des anges qui, quand nous sommes submergés par le flot des mauvaises nouvelles, nous annoncent une bonne nouvelle pour tout le peuple : « Aujourd’hui vous est né un sauveur » et chacun des anges que les enfants recevront tout à l’heure est le signe de cette bonne nouvelle qui traverse les âges.

Laissez-vous enseigner par l’adoration des mages qui nous enseigne que ni le Stade Toulousain, ni le chocolat, ni la dinde fourrée aux marrons, ni l’argent, ni la carrière, ni aucune autres idoles ne méritent qu’on les adore. Dieu seul est adorable, Lui seul nous sauve et nous relève.

Laissez-vous enseigner par l’enfant-Dieu qui nous enseigne que le plus précieux des trésors ne s’achète pas. Il nous apprend que la Foi, l’Espérance et la Charité, lui seul les possède et qu’il veut nous les offrir gratuitement pourvu que nous les Lui demandions, pourvu que nous nous estimions suffisamment pauvre pour tout attendre de Lui, tout recevoir de Lui.

En chassant la crèche de nos vies, c’est tout cela que nous chassons, pauvres de nous !

En accueillant l’enfant Dieu dans nos vies, c’est tout cela que nous accueillons, heureux sommes-nous !

 

Abbé Simon d’Artigue