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Homélie du 5ème dimanche de Pâques – 29/04/18

La Parole de Dieu qui vient à nous en ce 5ème dimanche de Pâques est encore marquée par les réalités concrètes du monde rural qui était celui de Jésus. Cette allusion à la vigne et à sa culture a cependant une portée en quelque sorte biologique que nous pouvons parfaitement recevoir aujourd’hui. Comme beaucoup d’arbustes, la vigne ne prospère pas si elle n’est pas taillée. Si elle est livrée à elle-même, elle se développe de façon régulière et naturelle, mais avec des rameaux, des sarments de plus en plus grêles et fragiles, des fleurs puis des fruits de plus en plus petits et au goût de moins en moins savoureux. Elle a, en quelque sorte, vocation à être cultivée si on veut obtenir des raisins savoureux, et, au bout de l’activité du vigneron, un vin de qualité. Jésus, Verbe de Dieu, c’est à dire parole, mais aussi éloquence, pédagogie de Dieu, n’aime pas parler de façon abstraite. Il emploie volontiers des paraboles pour dire les choses de Dieu, de manière à donner à penser à ceux qui l’écoutent, des les rendre actifs et créatifs en recevant son discours pour se l’appliquer à eux-mêmes, pour avoir matière à réfléchir, à aller plus loin que la simple information. Jésus, Parole de Dieu incarnée, nous adresse une parole qui a pour mission de s’incarner en nous, d’être vraiment reçue, accueillie en nous pour y produire son effet, pour y porter du fruit. Car c’est bien ici de porter du fruit qu’il s’agit.

A travers cette allégorie de la vigne, Jésus nous parle de notre vie, de notre destinée, il nous décrit surtout Dieu son Père comme le divin vigneron. Jésus décrit par le soin constant, le souci permanent, l’amour avec lequel les paysans soignent leur vigne, « élèvent » leur vin, comme on dit aujourd’hui. Il s’agit de beaucoup plus qu’une activité de culture, de production agricole à visée économique. Entre le vigneron et sa vigne, c’est une véritable histoire d’amour. S’il pleut trop ou pas assez, s’il gèle trop ou trop peu, si les insectes nuisibles interviennent, c’est une catastrophe. Pas seulement un dégât que les assurances répareront. Non, c’est une catastrophe relationnelle. Entre le vigneron et sa vigne, c’est une passion, et non pas une exploitation. Il en est de même entre Dieu et nous. C’est là le premier enseignement que Jésus veut nous transmettre. Dieu nous aime avec toute la vigueur, tout l’intérêt, on pourrait même dire toute l’inquiétude d’un vigneron pour sa vigne. Dieu nous a plantés, cultivés, a préparé le sol, choisi l’orientation du terrain, le bon ensoleillement. Nous sommes l’objet de soin jaloux et quotidien. C’est dire la qualité de vin qu’il attend que nous produisions. Beaucoup mieux que tous les Sauternes, tous les Frontons ou tous les Straminer ou autres champagnes, crémants ou blanquettes que l’on voudra, râpeux, gouleyants, liquoreux, selon les goûts. Rien de moins que le vin du Royaume éternel. Dieu attend de nous et de ses efforts de divin vigneron à l’égard de Sa vigne que nous sommes, que nous coulions à flots délicieux dans le divin cellier, lord du divin banquet des noces éternelles, celles de son Fils avec l’humanité pour son éternelle joie et pour notre joie éternelle.

C’est la qualité de cet enjeu, sa gravité, son importance qui explique l’implication de Dieu dans notre histoire par l’incarnation, la prédication, la passion, la mort et la Résurrection de Jésus et l’envoi de l’Esprit Saint. Il en est de même pour les événements de nos vies ; là où nous n’aurions tendance à ne voir que hasard et nécessité, petits ou grands bonheurs, malheurs de la vie ordinaire, joies, peines, succès et échecs, maladies ou fortunes, Jésus nous invite à discerner l’action amoureuse et toujours en vue de notre meilleure fructification, du divin Vigneron. Il manie avec vigueur et délicatesse le sécateur qui émonde, corrige, taille comme il convient pour que la vigne que nous sommes soit la plus réussie possible en vue du Royaume des Cieux. Pendant l’opération, pendant toute la durée de notre vie terrestre, ce traitement n’est pas forcément agréable, ou même visible. Il nous faut toute la force de la foi, toute la lumière de l’Esprit Saint pour entrer et rester dans la confiance, dans la foi, cette foi pour la confiance en Dieu.

Le meilleur signe que nous demeurons dans cette foi, comme de bons sarments solidement greffés sur notre cep, le Christ, c’est l’amour que nous avons les uns pour les autres et pour tous nos frères et soeurs en humanité.

Saisissons la grâce de cet évangile pour vérifier l’état du sarment que nous sommes. Quelle est la qualité de notre greffe sur le Christ ? Est-ce que vraiment nous laissons le divin vigneron nous émonder pour être toujours mieux irrigué de la sève de la Grâce et porter le fruit que Dieu attend de nous ?

Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour !

Abbé Jean-Jacques Rouchi