Homélie 3° dimanche de carême B – c’est de la folie !!!!
Vous ne trouvez pas qu’il y a tout un tas de vieilleries qui servent plus a rien dans la religion catholique, tout un tas de trucs que plus personne ne comprend, tout un tas de trucs qui ne font pas moderne du tout, et même qui vous posent mille problèmes quand vous avez besoin d’essayer de convaincre un ami que la religion, c’est crédible ! On aimerait tellement que la foi soit rationnelle, qu’elle entre dans nos capacités, vous savez un truc bien carré comme une formule mathématique ou rien ne dépasse. (Vous voyez les formules mathématiques ? Toujours claires et limpides ? Non ?)
Ou alors dès qu’il y a un truc qui dépasse, un truc un peu compliqué, un dogme que je ne comprends pas, allez hop ! On le retire, on tranche, on trie, on choisit et on garde le meilleur, enfin plutôt ce qui nous va.
J’en connais même qui se disent que chez les protestants ça doit quand même être plus simple, tous les trucs un peu chelou de la foi eux, ils les ont virés :
Jésus présent dans l’eucharistie, le « ceci est mon corps », mais non, c’est juste un symbole !
La confession, oui, vous savez le truc que vous repoussez depuis des mois en vous disant moi, je me confesse directement à Dieu, aux orties, en même temps que ce que Jésus dit aux disciples, « tout hommes à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis »
Et Marie, Marie Vierge et mère, « eh, tu m’as vu », mais non Marie, c’est une femme comme les autres, comme toi et moi (enfin plus comme toi) ;
Et le pape ! à la trappe, en même temps que le « Pierre tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » ou « j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas, va et affermis tes frères » tout ça c’est des inventions pour soumettre les hommes à l’autorité absolue de François ; Allez le pape, la messe et la vierge Marie à la benne ça va nous faire des vacances et nous simplifier la vie, mais surtout ça va remettre un peu de rationalité dans la foi ! La foi dans les limites de la raison, la foi acceptable par tous, la foi raisonnable !
Ça doit pouvoir se trouver, il y a dans l’Évangile, dans la bouche de Jésus un discours raisonnable, compréhensible, séduisant même : oui le « aimez-vous les uns les autres » ça passe bien, ou quand il dit « ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse » ça aussi ça passe crème ou encore « tu vois la paille dans l’œil de ton voisin, mais la poutre dans ton œil, tu ne la vois pas ? » Là aussi, c’est marqué au coin du bon sens et là, on est prêt à acquiescer au discours du Christ, car il ne nous dérange pas trop.
Pas de bol le Christ est venu pour déranger (parlez-en aux marchands du temple.) la marque propre de son enseignement, comme de son action, c’est qu’elle est dérangeante, c’est qu’elle semble folle aux yeux du monde, folle à celui qui est tranquillement installé et qui veut que rien ne change justement, installé dans son confort ou dans sa foi routinière, installé dans sa vie bien réglée (il y a une même routine moutonnière à enchaîner les victoires du stade sur canal plus et les apéros, qu’à aller à la messe chaque dimanche sans que rien ne change dans ta vie.), c’est la même chose.
L’enseignement du Christ est dérangeant, il sort des cadres et bien souvent, il sort aussi de notre rationalité, trop étroite, trop calculatrice, trop mesquine, il est vaste notre Dieu, elle est libre sa parole, elle déborde ce qui nous semble juste : « On vous a dit aimez ceux qui vous aiment, moi, je vous dis aimez vos ennemis » « aimez vos ennemis ?? » La raison nous fait dire : « eh oh y’a pas marqué mère Térésa », ou encore en face de « heureux les pauvres le royaume des cieux est à eux », l’homme raisonnable répond « moi ce que je veux c’est 30 euros sonnant et trébuchant pour me payer ma bière ce soir, et pas le royaume des cieux à la saint glinglin », et quand il nous enjoint « tu ne tueras pas », ben là tout le monde est d’accord quand c’est pour soutenir la panthéonisation de M. Badinter et son opposition à la peine de mort, là tout le monde s’incline religieusement (Par contre, pour tu ne tueras pas le vieux impotent sur son lit d’hôpital et l’enfant dans le sein de sa mère, là il y a débat, en fait il n’y a même pas débat on vote en chœur !) Non, si on la prend au sérieux, la parole du Christ est folle et vraiment dérangeante.
Mais peut être plus encore que son enseignement la folie du Christ se révèle dans ses actes et c’est vrai qu’il y a dans l’Évangile des actes un tantinet déraisonnable : par exemple notre Évangile aujourd’hui : se foutre en colère parce qu’il y a trois commerçants dans le temple, ce n’est pas la peine de se mettra la rate au court-bouillon (Vous imaginez Jésus qui se pointe à Lourdes, aujourd’hui ?? Heureusement, ce n’est pas lui qui y a été, c’est sa mère et coup de bol elle est plus douce.) ; se laisser laver les pieds par une prostituée en présence de tout le gratin des notables du coin ; et marque suprême de sa folie, signe de sa victoire choisir de mourir sur la croix comme un malfaiteur, ce n’est pas une mort pour un Dieu ! C’est pas du tout raisonnable. Non, tu as raison, ce n’est pas raisonnable, ça dépasse totalement notre raison et pourtant, c’est ce que nous proclamons un Dieu crucifié, crucifié et ressuscité ! Là aussi, ta raison résiste ? Du coup tout le reste, sa présence dans l’eucharistie, sa mère restée vierge, son Église confié à un pauvre pécheur, tout ça aussi, c’est fou, c’est vrai, mais c’est la marque de notre Dieu, entrez dans cette folie, car « la folie de Dieu est plus sage que l’homme » acceptez seulement qu’il soit mort et ressuscité pour vous, pour toi… Et alors cet acte de foi, cette confiance en Dieu introduira votre intelligence bien au-delà de ses limites propres, bien plus profond, bien plus haut que ce qu’elle aurait seulement pu imaginer.
Vous le savez, vous le constatez pour votre vie, être catholique aujourd’hui ce n’est pas bien raisonnable, il y faut une bonne dose de folie, c’est notre marque, est ce que vous avez déjà pris au sérieux la parole de Jésus Christ?
Alors oui seigneur envoie nous des fous, capables de se jeter dans l’inconnu béant de la pauvreté,
Envoie nous des fous qui se donnent pour de vrai et jusqu’au bout
Envoie-nous des fous prêts à tout risquer par amour pour leur frère.
Envoie des fous, libres de toute compromission, libres à l’égard des modes, des opinions, des conventions.
Envoie-nous des fous amants de la vérité, décidés à ne jamais trahir.
Envoie-nous des fous, prêts à te suivre où tu voudras les mener.
Oui, Seigneur envoie nous des fous.
Abbé Simon d’Artigue