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« Eux, ils sont dans le monde » Homélie 7ème dimanche du temps pascal 2023

« Eux, ils sont dans le monde » Homélie 7ème dimanche du temps pascal 2023

Parfois, nous nous lamentons que le monde se déchristianise, que c’était quand même mieux avant, avant, quand les églises étaient peines et que tout le monde allait à la messe, quand il y avait un curé à la Dalbade, un autre à la Daurade, un troisième à saint Aubin et un archiprêtre à la cathédrale au lieu d’avoir un pauvre curé en train de courir d’une église à l’autre. Nostalgiques et un peu découragés nous regardons notre monde de haut, en le jugeant, parfois en ayant peur de lui, d’un wokisme agressif ou d’un grand remplacement conquérant, en nous tenant souvent comme en une citadelle assiégée, assiégée par le monde qui ne nous aimerait pas, qui voudrait notre perte, et le regard sombre, apeuré, guetté par je ne sais quel complot, nous voyons des ennemis partout autour, dans un monde sans Dieu.

Mais mes frères ce n’est pas le monde qui se déchristianise, c’est nous !

Ce n’est pas au monde que l’Évangile a été annoncé, c’est à nous !

Ce n’est pas le monde qui a été baptisé, c’est nous !

Ce n’est pas le monde qui a reçu l’Esprit Saint, c’est nous !

Si le monde n’est plus chrétien en fait, c’est par notre faute, notre seule faute et j’y vois deux raisons :

– soit que nous ne soyons plus chrétiens.

– soit que nous ne soyons plus dans le monde.

Et les deux options sont aussi inquiétantes l’une que l’autre, car vous avez entendu Jésus dans l’Évangile : « Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde. » Le eux, c’est nous mes frères! C’est nous qui sommes dans le monde et personne d’autre, c’est à nous que revient la mission d’annoncer le Christ à ce monde pas à un autre, qu’il nous plaise ou non, peu importe, c’est le seul dans lequel nous puissions œuvrer et nous n’en voulons pas un autre, nous ne voulons que ce monde-là, aimer ce monde-là, servir ce monde-là.

Prenons les deux options, les deux causes de la déchristianisation :

La première, que nous ne soyons pas dans le monde. Nous sommes bien chrétiens, nous allons à la messe tous les dimanches, nous pensons bien, nous avons certainement de bonnes lectures, nous prions, mais nous avons tellement peur que le monde nous contamine, contamine notre foi que nous ne sortons pas, nous vivons repliés sur nous-même, entre nous, à l’abri. Mais c’est mortel, ça pue, ça sent le renfermé, nous allons mourir, ensemble peut être, mais mourir d’asphyxie. il faut y prendre garde et réagir, vite…

Mais nous pouvons prendre garde à la deuxième raison pour laquelle le monde n’est plus chrétien ou en tout cas qu’il se déchristianise ; c’est parce que nous ne serions plus chrétiens : nous nous tenons dans le monde, mais nous n’avons aucune influence sur lui, c’est le monde qui nous pénètre, nous influence, c’est lui qui nous inspire, c’est lui qui nous commande, nous ne lui apportons rien, pour paraphraser saint Jean, nous serions du monde et dans le monde, alors que nous devrions être de Dieu et dans le monde. C’est cet équilibre instable qu’il nous faut tenir, c’est une place d’honneur, une place que nous ne voulons en aucun cas abdiquer.

Vous la connaissez certainement cette attitude, c’est celle qui fait que dans un diner entre amis par pudeur ou par honte, dans une entreprise par calcul ou par respect humain, dans notre quartier rien ne distingue un catholique d’un non-chrétien, d’ailleurs, nous taisons bien notre catholicisme de peur qu’on nous le reproche. On en finit même par arguer qu’il y a des personnes qui ne sont pas catholiques du tout et qui sont bien meilleures que nous, qui se comportent bien mieux que nous sans l’Évangile, et c’est un fait, c’est la vérité, c’est la vérité et c’est notre honte !!

Et en affirmant ceci, nous finissons par croire deux choses :

La première, que la vie chrétienne se résumerait à une vie morale, un chrétien, ce serait quelqu’un de conforme (quel mot horrible, quelle pensée désespérante) alors que la vie chrétienne, c’est « qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » et ensuite seulement d’essayer de vivre selon son Évangile, l’Évangile qu’il nous a transmis, enseigné et ce n’est possible qu’en mendiant la grâce qu’il ne cesse de nous faire.

Et deuxième chose que l’Évangile ne changerait rien dans une vie, que croire en Dieu ou pas, peu importe, que Dieu serait impuissant à changer notre vie, quel manque terrible de foi ! C’est ce manque de foi qui empêche Dieu d’agir, qui stérilise le don de Dieu.

Alors pour raviver ce don de Dieu, pour que le feu reprenne dans nos vies les lectures de ce jour nous offrent quatre pistes

1 – Monter dans la chambre haute et prier ensemble avec Marie « ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement ; c’était Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques. (auquel il faut ajouter Juliette, Sébastien, Camille et nous tous) Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus » Prier ensemble, prier avec vos frères, retrouvons-nous chez les uns, chez les autres pour prier, que faites-vous quand vous vous retrouvez avec des amis chrétiens, commencez-vous par prier ? Prions aussi les uns pour les autres, confions nous les uns aux autres, confions nos joies et nos tempêtes et prions, intercédons les uns pour les autres et comme au cénacle attendons l’Esprit Saint.

2 – Être certain du soutien de Jésus qui prie pour nous « moi, je prie pour eux » Jésus ne dit pas, je prierai ou j’ai prié, mais je prie, en ce moment, Jésus prie pour nous qui sommes dans le monde, il prie pour que nous continuions son œuvre. Que pouvons-nous souhaiter de plus que de savoir que Jésus lui-même prie pour nous ?

3 – Accueillir l’Esprit Saint : « Parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous » et nous disposer à accueillir à nouveau cet Esprit Saint, comme il est venu il y a 2000 ans sur les apôtres, il veut encore venir aujourd’hui. Comme il est descendu sur nous au jour du baptême et de la confirmation, il veut descendre encore dans nos cœurs, cet esprit qui renouvelle la face de la terre et celle de nos cœurs d’abord, si nous l’invoquons avec foi, si nous nous disposons, si nous nous offrons

4 – Enfin se tenir dans le monde, ne pas déserter, ne pas fuir, ne pas se replier, ne pas se barricader, se tenir là où Dieu nous a plantés et fleurir, porter du fruit, son fruit.

 

Abbé Simon d’Artigue