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Se donner c’est aimer – homélie 6ème dimanche du temps pascal

C’est simple pourtant, comment se fait-il que ça ne fonctionne pas? « Aimez-vous les uns les autres », c’est tout simple comme règle de vie. C’est applicable par tout le monde et, au fond, il ne faut pas spécialement croire en Dieu ou avoir lu l’évangile pour comprendre ça ; et c’est vrai, aimer les autres, c’est la propriété de tous. J’ai même entendu certains de nos politiques nous le servir à une sauce absolument laïque, et ce serait un peu odieux de notre part de prétendre le contraire, pour parodier un débat fameux que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre, nous catholiques nous n’avons pas le monopole du cœur.

Et d’ailleurs, tout le monde parle d’amour, tout le monde parle d’aimer, le baba cool moyen sur son Larzac, et son descendant à Notre-Dame des Landes, arbore fièrement son « peace and love » sur le cœur, les jeunes collégiens maculent leurs cahiers de textes de petits cœurs roses et violets en barrant les noms de leurs amours successifs, les magazines nous vante les mérites de la pornographie pour initier à l’amour ! Nous parlons d’amour et oublions d’aimer, parce que c’est bien là le problème : c’est que si tout le monde parle d’amour à tort et à travers, on ne sait plus trop ce qu’est l’amour. Tout le monde parle d’amour mais pas grand monde n’explique ce que c’est qu’aimer. On nous dit que c’est un grand sentiment, que c’est de la poésie, que c’est trop fort. On oublie surtout qu’aimer ça prend du temps, qu’il y a des étapes, des étapes qu’il faut respecter au risque de se brûler les ailes et le cœur .

Et c’est peut être ça la spécificité de l’Evangile. En effet nous n’avons pas le monopole de l’amour mais l’Eglise, depuis toujours, est porteuse d’un message fort, d’une parole claire et originale sur l’amour, celle que nous délivre saint Jean aujourd’hui. Son verset ne s’arrête pas à « aimez-vous les uns les autres », s’il s’arrêtait là, il n’y aurait rien de neuf dans le message chrétien, mais voilà il continue, « aimez-vous les uns les autres…comme je vous ai aimé », et c’est là toute la différence, elle tient dans ce « comme je vous ai aimé »

Cette différence tient en trois points.

  • Nous sommes aimé en premier, « comme le Père m’a aimé moi aussi je vous ai aimé ». Dieu nous a aimé le premier, c’est de lui que vient l’amour, c’est lui la source de tout amour. C’est parce que nous sommes aimés que nous pouvons aimer à notre tour. Quand j’étais étudiant, je n’en pouvais plus d’entendre les curés me dire que Dieu était amour.  J’ai passé deux années en coopération aux Philippines auprès des enfants des rues et un jour j’entendais le curé prêcher sur ce thème et ressortir à ces enfants qui avaient connu l’abandon, la violence, la prostitution, la drogue que Dieu les aimait. Je bouillais intérieurement en me disant que cette soupe qu’on leur servait devait les révolter. En rentrant à l’orphelinat, je les interrogeais après la messe et l’un d’eux m’a répondu : « si Dieu ne nous aimait pas, qui d’autre que Lui le ferait ! Heureusement qu’il nous aime sinon on meurt.» En effet si personne ne nous aime, nous sommes incapables d’aimer ; mais si nous découvrons que Dieu nous aime, alors ça crée chez nous la plus belle des obligations : aimer à notre tour, aimer parce que c’est vital !

 

  • Et pour ça nous avons un modèle et un maître : Jésus-Christ « aimez-vous comme je vous ai aimé ». Nous acceptons d’être enseigné pour tout, pourquoi ne nous laisserions-nous pas instruire pour apprendre à aimer, instruire par un témoin et pas seulement un professeur, instruire par quelqu’un qui a aimé non pas seulement en parole, mais en actes : Jésus-Christ. Il a aimé en accueillant ceux que tout le monde rejetait, il a aimé en ne jugeant personne mais en relevant ceux qui étaient tombé, il a aimé en pardonnant à ceux qui le haïssaient, il a aimé jusqu’au bout, en donnant sa vie pour chacun de nous. C’est ce témoin la que nous voulons suivre, c’est de cette manière que nous voulons apprendre à aimer, c’est lui que nous voulons imiter, aimer jusqu’au bout pour vous demain ce sera vous donner au Christ dans la vie consacrée ou vous donner à celui ou celle que vous aimez, alors préparez-vous dés aujourd’hui, apprenez aujourd’hui à vous donner, tranquillement, patiemment, pas à pas sans griller les étapes. Et pour ceux d’entre vous qui se sont donnés l’un à l’autre (il y a peut être longtemps) dans le mariage, ne croyez pas qu’il s’agit de se donner une fois pour toute, il faut se donner chaque jour tant nous avons tous tendance à nous reprendre.
  • Nous savons que nous ne sommes pas meilleurs que les autres, ce n’est pas parce que nous sommes chrétiens que nous savons mieux aimer que les autres, le fait de lire l’Evangile ne nous donne pas de prérogatives particulières et encore moins d’arrogance, au contraire elle nous donne cette humilité profonde de savoir que sans Dieu, nous sommes bien incapable d’aimer comme il nous le demande, d’aimer comme son fils nous l’a montré. Et Dieu le sait, Dieu connait bien notre faiblesse, non seulement il la connait mais plus, il veut venir l’habiter, c’est pour ça qu’il nous donne sa force, il donne sa force pour aimer, il donne ou plutôt il propose, notre Dieu ne s’impose jamais, il veut même qu’on lui demande : c’est la finale de notre évangile : « tout ce que vous demanderez en mon Nom, mon père vous le donnera » 

Alors demandons la charité,

demandons à Dieu de nous apprendre à aimer,

approchez-vous de lui, qui se donne dans son eucharistie,

approchez-vous de lui qui donne sa vie, son corps, son âme, sa divinité pour nous,

approchez-vous de lui et apprenez de lui à donner votre vie, à vous donner, c’est ça aimer.

 

Abbé Simon d’Artigue