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Qu’es tu prêt à risquer ? – Homélie 32 TO B 2018

Asia Bibi a blasphémé, elle a bu un verre d’eau dans un puit réservé aux musulmans et ce blasphème la condamne à la mort. Elle doit être pendue car elle a blasphémé !

Il y a une autre alternative, ce serait assez simple pour elle, il lui suffirait de renoncer à sa foi chrétienne ; il lui suffirait de dire « je ne crois pas que Jésus Christ soit le Seigneur » et elle serait épargnée, elle pourrait vivre une vie tranquille au Pakistan, entourée de sa famille. Mais alors, pourquoi Dieu ne le fait-elle pas? Au lieu de cela, voici huit ans qu’elle s’obstine, qu’elle s’entête et qu’elle croupit en prison.

Parce que si elle renonce à sa foi, elle renonce à ce qu’elle a de plus cher, elle renonce à ce qu’elle est, à ce qu’elle croit, à ce qui est le coeur de sa vie et il ne faut jamais renier ce qui est au coeur de notre vie, sans quoi nous nous désagrégeons. Sans quoi nous ne sommes plus nous-mêmes. 

Oui, mais elle pourrait faire « pour de faux ». En fait, il suffirait que, de ses lèvres, elle dise qu’elle ne croit pas en Jésus et que, dans son dos, elle croise les doigts, mais au fond de son coeur elle continuerait à croire en Dieu, vous savez, comme font les enfants. 

Non ! elle ne peut pas faire semblant, il y a tant de choses où on peut faire semblant, tant de choses où nous faisons semblant, où nous transigeons, mais ça nous détruit lentement, ça nous laisse croire qu’on pourrait être chrétien pour de faux comme disent les enfants.

Non je ne peux pas faire semblant d’être chrétien, je ne peux pas être chrétien pour de faux, être chrétien juste pour être vu comme ces riches qui jettent ostensiblement leur obole pour le temple.

Je ne peux pas donner à moitié.

Je ne peux pas donner juste pour être vu.

Je ne peux pas me contenter de venir seulement à la messe.

Je ne peux pas être un chrétien d’apparence, un chrétien d’apparat.

Et ce n’est pas une question de devoir ou d’obligation, ce serait horrible d’envisager la foi de cette manière là, c’est une question de mesure et de confiance ; un chrétien ne peut pas en garder sous le coude, un chrétien ne donne pas à moitié, sinon c’est un demi chrétien, car « celui qui n’a pas tout donné n’a rien donné ». Un chrétien, un disciple du Christ donne tout.

Pourquoi ? Parce que notre maitre, Jésus, a tout donné, il a tout donné sur la croix. Après le fouet, il n’a pas dit stop, on arrête là, il a été jusqu’au bout, jusqu’à tout donner, donner sa vie. Et tout à l’heure, quand vous vous avancerez, je ne vous donnerai pas un petit morceau du corps du Christ. Vous ne recevrez pas un millième ou un millionième du corps du Christ : vous recevrez tout le corps, vous recevrez Dieu, Dieu tout entier car Dieu ne sait pas faire autrement que de se donner tout entier. Il se donne tout entier pour que nous nous donnions tout entier, pour que nous donnions tout comme ces deux veuves, celle de Sarepta et celle qui fait son obole au temple de Jérusalem, elles donnent tout, en confiance.  

Et il y a tant de manière de tout donner. Parce que, bien sûr, on se dit alors que si on ne quitte pas tout pour suivre le Christ, on ne serait qu’un demi chrétien. Mais ce tout, quel est-il ? La pauvre veuve, elle, a tout donné nous dit l’évangile.

Faut il que je donne toute ma fortune? A chacun de nous est demandé un tout différent et ce serait un immense piège de croire que le tout se résumerait à un don financier, que le tout serait de tout quitter ce qui semble (à juste titre) impossible à la quasi intégralité d’entre nous qui sommes installés, (trop installés?), du coup on se dit à bon compte que cet évangile n’est pas pour nous. Or tout l’évangile est pour tous, on n’arrache pas une page de notre bible.  cet évangile est pour chacun de nous, aucun ne peut s’y soustraire.

Tout donner. Oui mais alors si je donne tout que me reste-t il? 

Rien ou plutôt si, il ne me reste que Dieu, Dieu comme seule assurance. 

Car Il me faut quand même une assurance ? Ce n’est pas raisonnable de vivre sans assurance, du coup on veut s’assurer sur tout. Oui mais la vie chrétienne, cette vie qui a un nom c’est la sainteté, la vie chrétienne, la sainteté est un risque à courir et ce risque nous voulons le prendre. 

Nous sommes prêt à être chrétien, à vivre en chrétien, oui  mais jusqu’où ? 

Bien sur qu’il nous faut une assurance et ce n’est pas la mutuelle de Poitiers, ce ne sont pas nos économies, ce n’est pas notre réseau, nous avons une assurance et notre assurance c’est Dieu, notre foi en Dieu.

Vous voyez la différence entre la veuve et les riches, c’est que nous dit l’évangile les riches ont pris sur leur superflu tandis qu’elle, la veuve a pris sur son nécessaire, eux ont donné mais ils n’ont pas pris trop de risques, ils ont donné sans aller jusqu’au manque, ils ont donné, et ce mouvement est bon, il est louable (comme la démarche du jeune homme riche il y a trois dimanches) mais ils se sont arrêtés en chemin, en bon chemin; or ce que loue Jésus dans le don de cette veuve, c’est le tout « elle a mis tout ce qu’elle possédait »  il faut donner jusqu’au manque, il faut donner jusqu’au risque, Jésus nous demande de risquer quelque chose de notre vie, de notre confort, de notre réputation, il faut risquer quelque chose , il faut risquer et lâcher nos assurances, tant que j’ai d’autres assurances que Dieu j’empêche Dieu d’agir, j’interdit même à Dieu d’agir dans ma vie puisque finalement j’ai plus confiance en mon réseau qu’en Dieu.

Oui mais vous vous dites certainement qu’on voit bien que c’est un discours de curé, il n’a pas une famille à faire vivre ou une entreprise à faire tourner? Et vous auriez raison de me le reprocher ce n’est certainement pas à votre famille ou à votre affaire qui il faut faire prendre un risque, c’est à vous à vous personnellement, à vous seul, c’est à moi que le Christ demande: qu’est ce que tu est prêt à donner, à risquer de ta vie pour moi, pour t’appuyer sur moi et sur moi seul?

Tout donner, tout risquer  pour qu’il ne me reste rien, rien d’autre que Dieu, Dieu comme seul assurance, Dieu comme seul appui, Dieu comme seule récompense et la confiance en Dieu ne déçoit pas: 

« Et la jarre de farine ne s’épuisa pas,

et le vase d’huile ne se vida pas,

ainsi que le Seigneur l’avait annoncé »

 

Abbé Simon d’Artigue