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Pour la rentrée : humilité et gratuité – homélie 22 TO C 2019

Pourquoi Jésus nous donne-t-il de tels conseils en début d’année ? 

« Quand tu es invité surtout vise la dernière place«  

« Quand tu invites n’attends rien en retour « 

Mais c’est quoi ces consignes de looser ! Morale d’esclave aurait dit Nietzsche (et nous ne sommes pas loin de lui emboiter le pas). Parents, ce n’est certainement pas ce que vous avez dit à vos enfants : « écoute, cette année à l’école vise la dernière place, pas trop d’ambition »; non, vous avez dû leur dire « vise haut, sois le meilleur, fais de ton mieux » enfin quelque chose comme ça… Nous savons bien que si nous voulons avoir une place, il vaut mieux jouer des coudes et tant pis si je dois en écraser l’un ou l’autre pour avoir une bonne place, voire la meilleure place, on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs.

Quant à ne rien attendre en retour, c’est pas vrai, et même on pourrait se dire que ce n’est même pas juste. 

On ne fait rien gratuitement, on attend toujours un retour. 

C’est vrai que c’est peut-être la logique du monde, la logique de puissance, la logique d’efficacité ou de rentabilité, la logique même de réussite, mais ce n’est pas la logique de Dieu, ce n’est pas la logique de l’Evangile, ce n’est pas la logique du Christ.

Et ce que nous voulons, nous, c’est emboiter le pas à Jésus Christ. Si nous sommes là aujourd’hui à la messe, c’est parce que nous voulons nous laisser inspirer par le Christ, et pas seulement une inspiration toute spirituelle qui n’aurait aucun lien avec notre vie quotidienne, non, nous voulons que son enseignement, son comportement transforme notre vie. Nous ne voulons pas laisser le monde nous influencer. Nous voulons que le Christ nous influence pour pouvoir influencer ceux que nous croisons ; et d’ailleurs les influencer pas tant par nos paroles que par nos attitudes.

Voila donc au début de cette année deux attitudes que le Christ nous propose et qui peuvent convertir notre vie : l’humilité et la gratuité. 

L’humilité « quand tu es invité, va te mettre à la dernière place » cette année, est-ce que je veux rechercher la dernière place ? Mais vous me direz : est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de profondément malsain à vouloir volontairement s’amoindrir, s’écraser, se nier ; n’est-ce pas contraire à tout les conseils que les magazines de développement personnel ne cessent de nous  prodiguer : « exploite tes talents, tu es une personne extraordinaire, développe le potentiel qui es en toi… » En effet, voir l’humilité de cette manière là nous conduit à la mort et au désespoir, et ce n’est ni ce que le Christ veut pour nous, ni ce qu’il nous propose dans cette page d’évangile « quiconque s’abaisse sera élevé » le christ ne nous propose pas l’humilité pour l’humiliation mais l’humilité pour l’élévation, non pas l’élévation grace à mes forces mais en m’appuyant sur Dieu qui veut m’élever. Car le premier a avoir mis un grand désir dans mon coeur c’est Dieu, et ce grand désir c’est Dieu lui même, nous sommes fait pour dieu, rien de moins, nous sommes fait pour la sainteté et j’espère que c’est votre grand désir pour cette année : « Seigneur je veux être saint, parce que toi tu es saint ». L’humilité ce n’est pas de renoncer au besoin de grandeur, ce n’est pas renoncer à ce grand désir de sainteté que Dieu a mis dans nos coeurs mais de renoncer à l’illusion de le combler par soi-même, 

Il s’agit de reconnaitre que nous sommes fait pour Dieu, et que lui seul peut nous combler, 

Il s’agit de reconnaitre que nous sommes faits pour les autres, car seule la communion fraternelle fait grandir. C’est ça que Jésus appelle « s’abaisser », c’est la seule voie possible de la grandeur. S’abaisser,  c’est prendre le chemin du service, le chemin du serviteur, celui sur lequel Jésus nous a précédé, c’est considérer les autres supérieurs à nous, ce n’est pas se comparer à eux mais c’est considérer qu’ils sont, de notre part, plus dignes d’attention que nous-mêmes. C’est en se décentrant de soi que l’amour devient en nous une vraie grandeur.

Il y a donc l’humilité et…

La gratuité « Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour »

Est-ce que je sais donner gratuitement, c’est à dire sans rien attendre en retour ? 

Ou bien est-ce que j’attends toujours une récompense ? 

Dans mes services à la maison, dans ce que je fais pour mon épouse, dans mon investissement à la paroisse, est-ce que je n’attends pas un merci, une récompense, une reconnaissance ? Attention ! il est bon de dire merci, c’est même absolument essentiel de dire merc i: de rendre grâce à Dieu pour sa bonté, de remercier celui qui m’a rendu service, de remercier mes parents qui font tant pour moi mais c’est tellement habituel que je ne m’en rends même plus compte, de remercier mon épouse… combien de couple sont vivifiés par ces mercis quotidiens, ces mercis échangés, qui aiguisent la délicatesse et l’attention à ce que l’autre a fait pour moi, combien de couples, de familles, de paroisses sont abimés, blessés par ces absences de merci (tenez, cette semaine, appliquer vous à remercier au moins trois personnes par jour et ce pour une chose précise, circonstanciée). Dire merci, c’est essentiel. Mais la pointe de notre parabole ne porte pas sur ce merci auquel j’ai droit. Elle porte sur ce merci, cette récompense que je ne dois pas attendre, qui ne doit pas être la source de mon action. Si, comme dans l’Evangile, j’invite mes amis pour être invités en retour, ou pour être bien vu, ou pour impressionner mes convives, alors cette motivation vient tout abimer, elle détruit même le premier mouvement de mon coeur qui était bon.

Il s’agit donc de creuser ma motivation, de m’interroger sur le sens de mon service, de mon engagement.

Il est bon de faire une chose bonne pour recevoir un merci.

Il est meilleur de faire cette chose bonne sans attendre de merci.

Il est meilleur encore de la faire par amour pour Dieu. Par imitation du Christ 

Car sur ce chemin du service, de l’humilité et de la gratuité, nous reconnaissons la manière de faire de Jésus, c’est lui qui nous enseigne à donner gratuitement, c’est lui qui nous apprend à donner sans compter. Il n’a pas donné sa vie sur la croix pour que nous le remercions, ou pour être admiré : il a donné sa vie gratuitement parce qu’il nous aime et sa seule récompense c’est d’avoir fait la volonté du Père.

Alors cette année, nous aussi, nous voudrions vivre dans l’humilité et dans la gratuité.

Chercher la dernière place, celle où nous trouverons Jésus qui nous élèvera.

Aimer la gratuité, celle qui nous conforme à Jésus et qui nous permet de dire : « Je ne le fais pas pour que tu me remercies, je le fais parce que je t’aime et ma récompense c’est ta joie ».

Abbé Simon d’Artigue