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Passer de l’abattement au coeur brûlant – homélie 3 dimanche du temps pascal 2020

Passer de l’abattement au coeur brûlant – homélie 3 dimanche du temps pascal 2020

Il y en a qui sont abattus, fatigués, déçus, épuisés par tout ce qui vient de se passer ces derniers temps

Il y en a qui n’en peuvent plus de ce confinement, il est trop long, il est trop dur. Au début, on a échafaudé des plans, un programme, il y avait même une petite excitation ; au début, on se disait même que c’était un temps béni, un temps en famille, un temps ralenti, un temps où on pourrait lire … mais bon, au bout de 40 jours (un carême entier !!), on commence à se laisser abattre, à baisser les bras.

Il y en a deux qui marchent tristement sur le chemin d’Emmaüs.

Vous savez ces disciples qui vont à Emmaüs, fatigués comme nous, un peu las comme nous. On ne sait pas très bien où c’est Emmaüs, il y a plusieurs possibilités, les archéologues se disputent, comme si ce chemin ce pouvait être notre chemin, comme si, ces deux disciples, c’était nous aujourd’hui.

Ces disciples qui, au début de l’Évangile, sont abattus et qui, au bout du chemin, ont le cœur tout brûlant, ils ont certainement quelque chose à nous apprendre pour que, nous aussi, nous vivions cette transformation du cœur, ce passage de l’abattement au cœur brûlant.

Il faut juste se mettre en chemin avec eux et suivre chacune des cinq étapes par lesquels ils passent :

– la première de ces étapes, c’est Jésus qui s’approche et il marche avec eux, il les rejoint sur le chemin, ils ne le reconnaissent pas, tant leur cœur est lourd, tant la tristesse les aveugle. Jésus nous rejoint toujours, ce n’est pas à nous de nous dérouter, de faire un effort, c’est lui qui nous rejoint. Il marche avec nous discrètement et nous, nous pouvons ne pas le reconnaitre. Alors posez d’abord cet acte de foi : Jésus ne nous abandonne jamais, il marche avec nous même quand nous ne le voyons pas, même quand nous ne le reconnaissons pas.

– la deuxième étape, c’est cette question que Jésus pose aux disciples d’Emmaüs. Jésus t’interroge, il s’intéresse à toi, il t’interroge pour connaitre ton cœur, ta tristesse, ta blessure, ton abattement. Il ne commence pas par apporter une réponse en disant « je sais de quoi est-ce que tu as besoin, j’ai la solution » ! Non, il t’écoute. C’est pour cela qu’il faut lui parler, lui dire ce qui est dans ton cœur. C’est ça la prière : parler à Dieu comme on parle à un ami, cet ami qui marche avec toi sur le chemin.

Dans cette question et dans la réponse des disciples, dans ce dialogue qui s’instaure Jésus se rend compte de leur aveuglement. Et c’est la troisième étape

– « Il leur interpréta les écritures » : Jésus est présent dans l’écriture. Attention, il n’apparait pas seulement dans le nouveau testament, tout l’ancien testament parle de lui (j’aimerais bien savoir quel sont les passages que Jésus a choisi dans l’ancien testament pour leur parler de lui). Il est au cœur de l’écriture, il est partout, mais il est présent dans ma vie et moi, je ne le vois pas parce que mon cœur est lent à croire, je ne veux pas croire que Jésus soit dans ma vie, j’ai parfois du mal à croire que Jésus soit présent avec moi depuis le début du confinement, où j’ai laissé tomber la prière, où je ne peux plus communier, où on s’engueule plus que d’habitude.

Alors il faut faire cet exercice de relecture et apprendre à repérer les traces de Dieu dans nos vies, et le meilleur moyen de faire, c’est en lisant l’écriture, en se familiarisant avec la manière de faire de Dieu (du Père, du Fils ou du Saint Esprit). Car sa manière de faire ne change pas, la manière dont il agit dans l’Écriture est la même que la manière dont il agit dans nos vies : il est discret (ils ne le reconnaissent pas), il apporte la paix : « la paix soit avec vous » ; il laisse derrière lui une empreinte de joie profonde, il éclaire les ténèbres. Je veux vous inviter à faire cet exercice régulièrement, à relire vos journées, à y repérer les traces de l’action de Dieu (ou votre résistance). Plus vous le ferez régulièrement, plus vous vous familiariserez à son action.

– la quatrième étape, c’est l’invitation : « Reste avec nous ». Il faut inviter Jésus à venir demeurer chez nous, jamais il ne s’imposera. Bien sûr qu’il veut demeurer chez nous, il n’est pas là pour faire un bout de chemin avec nous, il est le chemin ; mais nous avons ce pouvoir incroyable, nous qui le connaissons, nous qui avons cheminé avec lui, nous qui allons à la messe régulièrement, nous avons ce pouvoir de lui dire un jour : « non Seigneur je ne veux plus de toi chez moi »; et cette tentation vient souvent dans l’épreuve, elle vient quand on ne ressent plus rien, elle vient quand on ne voit pas à quoi ça sert tout ça, tous ces efforts, elle vient avec le doute insidieux, le doute qui détruit tout et nous avons le choix de dire au Seigneur « passe ton chemin » ou de lui dire « reste avec nous car déjà le jour baisse ». Alors faisons cette prière aujourd’hui, maintenant, pendant cette messe, quelles que soient nos difficultés du moment : « reste avec nous Seigneur »

– et cette invitation ouvre, permet la cinquième étape : la fraction du pain. C’est l’eucharistie, la messe, la présence réelle, permanente de Jésus au milieu de nous, celle dont vous êtes privés depuis 6 semaines maintenant. Je mesure la souffrance que ce peut être, non pas d’abord de nous réunir pour nous retrouver (même si ce sera bon) mais ce n’est pas ça l’Église, ce n’est pas un rassemblement de personnes qui s’apprécient. L’Église, ce sont des frères et sœurs réunis par Jésus Christ qui se donne à chaque messe. Le cardinal de Lubac disait : « l’Église fait l’eucharistie, mais l’eucharistie fait l’Église ». Nous avons besoin de l’eucharistie, nous avons besoin de communier, c’est pour cela que notre évêque a si fortement pris la parole ces derniers jour pour dire à notre président le besoin impérieux pour les catholiques de communier, de se rassembler autour de Jésus Christ, de le célébrer.

Nous avons nous aussi à vivre ces 5 étapes, nous laisser rejoindre par Jésus, lui parler comme à un ami, relire les traces de sa présence dans nos vies, les traces de sa résurrection, l’inviter à demeurer chez nous et le recevoir.

Et ce n’est qu’à ces conditions que nous passerons de la tristesse à la joie, de l’abattement à l’espérance, du doute à la confiance, que notre cœur passera de la tiédeur à l’ardeur, un cœur brûlant pour l’annoncer.

 

Abbé Simon d’Artigue