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Il est la lumière du monde – Homélie 4ème dimanche de carême

C’est un long récit que nous venons d’entendre… qui pourrait appeler une très longue méditation… Mais je serai bref !

Comme souvent chez saint Jean, un texte à double sens, on l’a bien compris.

Il y a une personne aveugle de naissance, vivant donc dans les ténèbres, synonymes de péché pour ses contemporains. C’est un mendiant. Il est rejeté par la société, très probablement assis dans son coin…

La scène se passe un jour de sabbat, un jour, donc, où le peuple juif fait mémoire du repos de Dieu admirant l’œuvre de création qu’il vient de terminer. Anniversaire, en quelque sorte, de la création du monde.

Et il y a Jésus, qui, justement, va faire œuvre de nouvelle création. Tous les symboles et signes qu’il met en œuvre sont signes de création. Remarquons aussi l’importance des sens : la vue, bien sûr, mais aussi l’ouïe (Jésus adresse la parole à ce mendiant soi-disant pécheur, et la parole circule en permanence), et même le goût, en quelques sorte : Jésus prend de sa salive, la mélange au limon de la terre et en fait de la boue qu’il applique sur les yeux de l’aveugle. Il le touche donc.

Vous qui allez être baptisés dans quelques jours, souvenez-vous de votre d’entrée en catéchuménat, quand votre front, vos oreilles, vos lèvres, votre cœur, vos épaules ont été marqués, touchés de la croix du Christ…

Jésus refait donc certains des gestes rapportés dans le Livre de la Genèse pour la création de l’homme, Adam, celui qui est tiré de la terre, façonné par Dieu avec de la boue. Récit qui ouvrira notre longue Liturgie de la Parole dans la nuit de Pâques, qui sera celle de votre baptême.

Pourquoi Jésus fait-il cela ? Pourquoi pose-t-il cet acte de guérison ?

« Pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui (l’aveugle) » (verset 3)

Oh, l’aveugle devait être bien content de sa guérison. Et nous aurions bien aimés être là, pour « voir » ce qui s’est passé… Notons que Jean ne parle jamais de « miracle ». Pour lui, il s’agit toujours de « signe » et d’un signe donné pour croire.

Pour croire que Jésus est la lumière du monde.

Et Jésus le dit à ceux qui l’interpellent : « Aussi longtemps que je suis dans le monde, JE SUIS la lumière du monde », accolant ainsi au nom de Dieu (« JE SUIS ») l’affirmation qu’il EST LA LUMIÈRE pour tout être vivant et pour toute la création.

Et la lumière vient en effet inonder la vie et la vue de l’aveugle. Dans ses yeux de chair, mais aussi dans les yeux de son cœur, l’ouvrant ainsi totalement au monde qui l’entoure et lui permettant son cri de foi : « Je crois, Seigneur ! »  (verset 38)

Mais ceux qui voyaient déjà Jésus de leurs yeux de chair, les pharisiens, les scribes, les docteurs de la Loi et tous ceux qui étaient présents, eh bien ils restent aveuglés… Et pourtant ils connaissaient les Ecritures, les psaumes, qui annonçaient un Messie qui « ouvrira les yeux des aveugles… »

D’où cette phrase étonnante, presque choquante : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles » (verset 39)

Le soi-disant péché de l’aveugle sur lequel Jésus a été interpellé au début n’est pas celui que l’on croyait : le péché, c’est l’aveuglement de ceux qui savent, ou plutôt qui croient savoir, qui sont sûrs de savoir, qui ne remettent rien en cause de leur savoir sur Dieu – mais aussi sur les autres, sur leur prochain. Ceux qui, d’une certaine manière, se prennent pour Dieu. Et nous voilà renvoyés à nouveau à la Genèse, au jardin d’Eden, quand le Tentateur susurre à l’oreille Adam et Eve qu’ils peuvent devenir « comme des dieux »…

Mais ils en arriveront à éviter la vue Dieu, à éviter son regard et l’échange de regards avec lui…

Posons-nous la question pour nous-mêmes :

Est-ce que j’accepte d’être regardé par Dieu ?

Est-ce que j’accepte de soutenir son regard d’amour et de tendresse en toute vérité ?

Est-ce que j’accepte que sa lumière repousse au plus loin mes ténèbres ?

Un dernier point :

La semaine dernière, nous remarquions que pour bénéficier de l’eau du puits de Jacob – et donc, symboliquement, de l’eau vive du Christ – il fallait faire un effort. Le puits était profond, et la cruche, lourde, surtout à la remontée. Il fallait de la force, de l’endurance, de la volonté.

Aujourd’hui, l’aveugle n’est pas guéri tout de suite. Il a encore un effort à fournir, dans la Foi : il doit aller – encore à tâtons – à la piscine de Siloé pour se laver.

Le Christ ne nous « sauve » pas sans nous. Il attende notre propre coopération, libre, active, dans la Foi.

Il en est et en sera toujours ainsi pour nous, avant ou après notre baptême, tout au long de notre vie, avant de « voir » le Christ face-à-face, les yeux dans les yeux…

Oui, laissons-nous regarder par le Christ, laissons-nous illuminer par lui, pour être ensuite de vrais témoins de sa lumière.

Et vous qui allez être baptisés à Pâques,

– laissez-vous regarder par Dieu,

– laissez-vous « scruter » par lui jusqu’au fond de votre cœur. Ne craignez rien !

– laissez Jésus vous ouvrir le cœur et vous pourrez affirmer votre Foi « Je crois, Seigneur », cette foi, ce « credo » que vous allez recevoir de l’Eglise dans quelques instants, après le rite du scrutin.

 

4e dimanche de carême – Année A – Jn 9, 1-41 – 2e scrutin

Dominique Desvernois, diacre