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« Enterre tes peurs » – homélie 33ème dimanche du temps ordinaire 2017

Ah ! elle est belle la justice de Dieu !  Vous avez lu, vous avez entendu notre évangile ? Et bien, il fonde l’injustice et son corollaire, la lutte des classes, ou plutôt la lutte des talents : d’abord, il ne donne pas autant à chacun. Pourquoi est-ce qu’il donne 5 à l’un, 3 à l’autre et 1 au troisième ? C’est dégueulasse ! Sur quoi est-ce qu’il se fonde pour donner des choses différentes à chacun ? Et le pompon, c’est qu’au final, il retire tout à celui à qui il avait le moins donné ! Non, décidément, on ne part pas avec les mêmes chances ! « C’est vraiment trop injuste ! » dirait Calimero.

Et c’est vrai que Dieu ne donne pas la même chose à chacun. Regardez autour de vous. C’est vrai qu’il ne fait pas de nous une compagnie de clones, copie conforme les uns des autres (ce serait d’ailleurs d’une monotonie mortelle). Il donne à chacun certaines qualités… et certains défauts de manière à ce que nous soyons complémentaires les uns des autres ; de manière à ce que nous ayons besoin les uns des autres ; de manière à créer un tableau harmonieux où chacun trouvera sa place. Non seulement où chacun trouvera sa place, mais où personne ne pourra prendre la place de l’autre. C’est-à-dire que la mission que Dieu vous donne, personne d’autre que vous ne pourra la remplir ; et si vous ne le faites pas, il manquera quelque chose à ce beau tableau que notre Dieu veut composer. Ce tableau, c’est son Eglise. Si vous n’y prenez pas votre place, vous manquerez. Le service qu’on vous demande au début ou à la fin de la messe, ce n’est pas juste pour ennuyer ; c’est pour que vous trouviez votre place.

Ce que nous appelons donc une  « inégalité » n’est en fait qu’une différence.

Mais le cœur de cet évangile n’est pas tant dans cette différence que dans l’attitude des serviteurs. Ecoutons celui qui avait reçu un seul talent : « Je savais que tu étais un homme dur… j’ai eu peur, je suis allé enfouir ton talent dans la terre ». Il a eu peur parce qu’il savait que c’était un homme dur ! « Attends, t’es sûr que tu le connais bien le maître ? ». Est-ce que nous avons une seule raison d’avoir peur de notre Dieu (parce que c’est de lui dont il s’agit et de nous aussi) ? Est-il un Dieu dur ? Non, certainement pas. Notre Dieu est un Dieu juste (pas de la justice des hommes d’accord, pas de cette justice mathématique, ok), un Dieu plein de tendresse. Nous n’avons pas à en avoir peur. La seule chose qu’il cherche, c’est notre bonheur, que nous fassions fructifier nos talents ; et ce bonheur, il ne veut pas le faire malgré nous, il ne veut pas le faire sans nous,  il ne veut pas nous l’imposer. Il veut que nous participions à sa réalisation, il veut même que nous en soyons les artisans. Ce bonheur, il nous le confie, comme ces talents.

Et c’est là que se distinguent les deux attitudes des serviteurs : la peur ou la confiance.

La peur de la raclée : elle nous fait enterrer notre talent, elle nous fait enterrer notre bonheur pour être certain qu’il ne grandisse pas ; et de fait, il ne grandit pas. La peur nous fait toujours nous recroqueviller sur nous-mêmes. Elle nous interdit la croissance, elle nous interdit le bonheur. N’écoutez pas vos peurs !

Tandis que la confiance, ça change tout. D’abord, la confiance que Dieu nous fait : Dieu nous confie des talents, il nous les confie, c’est donc qu’il a confiance ! Mais plus encore, remarquez qu’il ne nous charge pas d’un poids que nous ne pourrions pas supporter : « il donna à chacun selon ses capacités ». Ce talent que Dieu nous donne, cette confiance qu’il nous accorde, elle est à notre mesure, elle nous fait grandir. Dieu est un bon pédagogue : il sait que, pour grandir, nous avons besoin qu’on nous fasse confiance, dans les petites choses d’abord puis, petit à petit, au fur et à mesure de nos réussites (oui parce qu’avec lui nous allons de victoire en victoire !), au fur et à mesure, il nous en confie de plus grandes. Cette règle est d’une importance capitale dans notre vie spirituelle : si nous voulons progresser, si nous voulons grandir, il faut commencer par être fidèle dans les petites choses, (pas la peine de partir comme un tabanar au retour de la retraite de Pentecôte qui va servir les pauvres, faire une heure de prière le matin son chapelet dans le bus en allant au travail, à la messe tous les matins à la cathédrale (oui, pour info il y a la messe tous les matins à 8h), le lundi à la chorale, le jeudi à l’école des disciples, le mercredi accueil dans la cathédrale… et un mois après plus rien, même pas un signe de croix au lever). Commencez par être fidèle dans les petites choses (retenez ça : « peu, bien et jusqu’au bout ») pour que, le jour où Dieu vous demandera une grande chose, vous en soyez capable, vous soyez prêt. Croyez-vous que le « oui » de la Vierge Marie à l’Annonciation, lorsque Dieu lui demande d’être la mère de son fils (ce n’est pas rien ça quand même, c’est pas de la roupie de sansonnet), croyez-vous que ce oui soit le premier ? Ben non, il est le résultat d’une longue préparation, d’une longue série de petits « oui » quotidiens, qui ont préparé ce grand oui. C’est parce que Marie a été fidèle en peu de choses, dans ces petites choses de la vie quotidienne que Dieu a pu lui en confier beaucoup.

Pour nous, il en va de même. C’est en étant fidèle chaque jour à ce que Dieu nous demande (ce qu’on appelle habituellement notre devoir d’état, faire ce que je dois, « fleurir là où Dieu m’a planté » comme dit saint François de Sales), m’attacher aux choses les plus communes, les plus répétitives, c’est là que nous grandissons en sainteté, pas en faisant des trucs de dingue.

Vous voulez sauver le monde et l’Eglise, éradiquer  toute injustice sur la planète, aller au secours de toute misère ? Patience, ça viendra ! Cela viendra si, et seulement si, vous commencez maintenant, ici à Toulouse ! Commencez par faire ce que vous devez ici, commencez par tenir votre place maintenant, demain on verra. Car demain appartient à Dieu. Peut-être vous confiera-t-il d’autres talents à faire fructifier ? Peut-être vous donnera-t-il une autre mission ?

Il vous a fait confiance… faites lui confiance. Il vous accompagne chaque jour sur ce chemin de croissance spirituelle. N’ayez pas peur, il vous mènera tranquillement à la sainteté. Pour ça, plutôt que d’enfouir vos talents et laissez grandir vos peurs, enfouissez vos peurs et laissez croitre vos talents.

Abbé Simon d’Artigue