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Déconfinez Dieu ! Homélie 2ème dimanche de Pâques

Le démon se frottait les mains devant cette épidémie.

Cela faisait pas mal de temps qu’il faisait tout ce qu’il pouvait pour détruire l’Eglise, pour empêcher les disciples de Jésus de croire en Lui, de Le suivre, de Le prier, pour empêcher la bonne nouvelle de la résurrection de se répandre. Il avait tout tenté pour les décourager :

Il avait commencé en instillant dans le cœur de Judas le désir de trahir;

Puis se furent les grandes persécutions orchestrées par Néron, de Dèce, et de ses fidèles disciples;

Les hérésies pour semer le doute et la division entre chrétiens;

Les guerres fratricides entre disciples.

Mais rien n’y faisait, toujours, la foi renaissait, la foi grandissait, la foi surgissait, toujours la même, toujours nouvelle, toujours plus forte. Elle semblait même être particulièrement vivace pendant les épreuves. Pourtant, il est ingénieux satan : parfois il sort les grands moyens, d’autres fois des techniques plus sournoises, plus insidieuses. Mais au cours de l’histoire, il va d’échec en échec. La bonne nouvelle continue à se répandre dans le monde, l’Eglise à s’implanter, les fidèles à se multiplier.

Alors là, avec son conseil (oui il a un grand conseil : ils sont légions), ils se sont dit, cette épidémie, c’est du pain béni pour nous, pour leur porter le coup de grâce, empêcher les catholiques de vivre leur foi.

Ce coup-ci, on les tient : plus de sacrements, plus de messes, plus de confessions, plus de Pâques, plus de culte public du Seigneur, la religion réduite à la stricte sphère privée (le petit père combe en rêvait, le COVID l’a fait) « c’est bon les gars, on a réussi à les asphyxier, ils sont presque morts, agonisants, confinés »

Il se frottait les mains devant la mort, il adore ; l’épuisement, la division, le découragement : sa stratégie préférée.

Ils se frottait les mains en regardant Dieu impuissant, comme s’il avait réussi à clouer les mains de Dieu (sur une croix) pour qu’il ne puisse plus s’en servir pour bénir, pour sauver.

Il y croyait à la victoire, elle semblait là, à portée de mains, si proche.

Il s’y voyait déjà en haut de l’affiche mais il sera plongé au fond de l’abime.

Pauvre naïf, ton orgueil t’a perdu.

Il n’y a qu’une victoire, une victoire définitive, celle de Jésus qui aujourd’hui comme il y a deux mille ans se tient au milieu des croyants confinés « alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées… Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. »

Jésus était là au milieu, Jésus est là au milieu de nous car il n’y a aucun confinement qui le retienne :

  • ni le confinement du tombeau qu’il brisera allègrement, la nuit de Pâques,
  • ni nos propres confinements : le confinement de notre péché qui nous replie sur nous-mêmes, qui nous enferme pour nous asphyxier. Il se tient à la porte de nos cœurs pour nous faire respirer, il veut nous faire pas tant du bouche-à-bouche que du coeur-à-coeur, laissons-le entrer,
  • ni le confinement qui nous est imposé depuis plusieurs semaines maintenant. Nous pouvons nous sentir abandonné, loin de la communion, loin de notre communauté paroissiale, loin de ceux que nous aimons, parfois esseulé, mais nous ne sommes pas loin du Christ ou plutôt le Christ n’est pas loin de nous. Car le Christ se rit de ce confinement-là et il vient au milieu de nous. Où que nous soyons, il vient nous rejoindre, que nous soyons seuls, en couple, en colocation, en famille : aujourd’hui, à cet instant où nous Le prions, Il est avec nous. Il l’a fait pour ses disciples à Jérusalem, il était là au milieu d’eux et il les a rassurés, il les a fortifiés, il les a consolés. Il le fait avec nous à cet instant, il est avec nous.

Alors bien sûr, notre communauté paroissiale nous manque. Vous me manquez chers paroissiens et bientôt, nous nous retrouverons et nous fêterons cela mais, en attendant ce moment, que faisons-nous ? Allons-nous attendre passivement que cela passe ? Allons-nous attendre suspendus aux annonces du gouvernement ? Allons-nous patienter suspendu aux opinions changeantes des commentateurs patentés ? Allons-nous nous lamenter, nous attrister ? Bien sûr, nous pouvons vivre dans la nostalgie du temps d’avant ou dans la rêverie du temps d’après.

Mais vous savez que c’est une tentation, que cela ne vient pas de Dieu, ni la nostalgie, ni la rêverie ; pour Dieu, seul compte le présent, et aujourd’hui il est avec nous qui sommes confinés, aujourd’hui il nous fait grâce, il se sert de cette occasion pour nous faire grandir, comme il se sert de la moindre épreuve de nos vies pour nous transformer, pour nous affiner comme on affine un métal, pour nous purifier comme l’or au creuset. Du plus grand échec -la croix-, il a fait la plus grande victoire : la résurrection, alors autant vous dire que, de ce confinement, il saura tirer des grâces, pourvu que nous nous laissions faire, pourvu que nous lui laissions une place dans nos vies, dans nos maisons, dans ce confinement.

Le démon se frottait les mains tout à l’heure, se réjouissant de voir les églises vides et fermées, mais Dieu qui sait tirer un bien de tout mal a ouvert une église dans chacune de vos maisons, il a multiplié les églises domestiques, à l’image des premiers chrétiens des actes des apôtres qui se réunissaient pour prier dans leurs maisons.

Demandons au Seigneur de nous donner cette grâce de prier dans nos maisons, de faire de nos maisons des maisons de prières. Toute l’année, nous avons cette chance (que nous mesurons certainement encore mieux en ces temps), cette chance de pouvoir venir chaque dimanche à la messe sans autre effort que celui de nous lever. Mais nous savons que cette facilité peut tourner à l’habitude, à la routine du dimanche matin, voire à l’usure. Nous courrons ainsi le risque de confiner Dieu dans nos églises au fond du tabernacle et de ne lui accorder dans nos agendas débordants qu’une à deux heures le dimanche matin.

Ce confinement est l’occasion de déconfiner Dieu de nos églises, de l’inviter à habiter nos journées,

pas seulement nos dimanches, mais nos lundis, nos mardis, nos mercredis…

pas seulement nos églises mais nos maisons,

pas seulement nos messes mais nos vies.

Invitons-le à prendre plus de place dans nos vies et dans notre monde.

Invitez-le et, en ce temps de troubles, il vous fera cette même salutation, cette salutation si nécessaire à nos vies, cette salutation si douce à nos cœurs :  « La paix soit avec vous ».

Abbé Simon d’Artigue